À quand la première Africaine chef d’État ?

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

La nuque droite, elle porte six bidons jaunes, un sur sa tête, trois sur son dos, deux sous les bras. Rachel Adhimabo descend un remblais de détritus fumants, le long d’un chemin rocailleux, à travers le labyrinthe de carcasses métalliques de son bidonville boueux de Nairobi. Il lui faut deux heures pour collecter l’eau dont sa famille a besoin, et elle le fait tous les jours.
Sur le chemin, elle discute avec ses amis de la récente suggestion provocatrice du président de Zambie, Levy Mwanawasa. Ce dernier a déclaré qu’une femme devrait le remplacer une fois son mandat achevé.
Rachel Adhimabo rêve de tout le bien qu’elle pourrait faire si elle était élue présidente du Kenya. Comme la plupart des femmes africaines, elle ne rechigne pas au travail. Elle dit qu’elle apprécierait de pouvoir s’attaquer aux problèmes que les puissants et souvent corrompus présidents de sexe mâle – les soi-disant grands hommes d’Afrique – n’ont pas réussi à résoudre : fournir de l’eau, de l’électricité, de bonnes conditions sanitaires, des emplois, combattre la corruption, le sida, le paludisme, la pauvreté et la famine. Pourtant, comme la plupart des Africaines, Rachel n’a pas beaucoup de temps à consacrer à la politique. « Vous voyez, même si je voulais, je n’aurais pas le temps pour être une dirigeante. Qui s’occuperait de la cuisine, de la couture, du feu, de l’eau, d’habiller les enfants, de leur préparer la nourriture, de ranger les chambres, de réparer la maison quand elle menace de s’écrouler ? »

Si dans de nombreux pays d’Afrique les femmes accomplissent 80 % des tâches quotidiennes, elles ne possèdent quasiment rien et font tous les jours face à la violence domestique, au viol, au harcèlement sexuel.
Cependant, politiciens et autres analystes commencent à penser qu’une femme pourrait être élue à un poste de dirigeant. Au niveau local et législatif, dans les cabinets, le rôle des Africaines dans le monde traditionnellement patriarcal de la politique s’est renforcé. Elles détiennent 30 % des sièges parlementaires au Mozambique, 29,8 % en Afrique du Sud, 26 % au Rwanda, 19 % au Sénégal et 24 % en Ouganda. Dans ce dernier pays, par exemple, il y a 74 femmes parmi les 304 parlementaires. En 1983, elles n’étaient que 6 !

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Pour Chipo Lungu, directeur exécutif du Zambia National Women’s Lobby Group : « Les hommes n’ont pas travaillé correctement à la tête de nos pays. Peut-être avons-nous besoin d’une grande femme, pas d’un grand homme, qui prenne la tâche à bras le corps. »
Pour une femme comme Rachel, le rêve de devenir présidente s’efface devant la réalité de la collecte d’eau. Alors qu’elle et ses amis hissent sur leur dos de lourds récipients, un groupe d’hommes appuyés contre un arbre les regarde. « Nous supervisons », affirme en riant Humphry Luvembe, 23 ans, sans emploi. « Les femmes africaines peuvent tout faire. Mais, Président, quand trouveraient-elles le temps ? »

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