Proclamation de l’indépendance du Congo

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

C’est paradoxalement un jour de liesse – la proclamation de son indépendance – qui marque le début de la descente aux enfers de l’ex-Congo belge. Depuis le Te Deum, célébré en grande pompe à la cathédrale Sainte-Anne, à la séance solennelle, qui se tint juste après l’office religieux dans la grande salle du palais de la Nation, le film de cette journée historique est bien connu. Ceux qui assistèrent à la cérémonie gardent en mémoire l’intervention de Baudouin Ier, arrivé la veille. Le roi des Belges rendit hommage à « l’oeuvre conçue par le génie du roi Léopold II et continuée avec persévérance par la Belgique ». Rien de surprenant dans la bouche de l’héritier d’un monarque qui considéra le Congo comme sa propriété privée.

L’allocution suivante, prononcée par Joseph Kasavubu, le chef du nouvel État congolais, fut en revanche ressentie comme une offense par les nationalistes congolais. À commencer par leur chef de file, le Premier ministre Patrice Émery Lumumba. Au lieu de célébrer l’émancipation de son peuple, le président de la République rendit un hommage appuyé à l’ancienne métropole, incitant le chef du gouvernement à intervenir alors que le protocole ne l’y avait pas invité.

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Il est 11 h 35 lorsque Lumumba se lance dans une diatribe que l’ancien colonisateur ne lui pardonnera jamais. « Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir parce que nous étions des nègres. […] Cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, un Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier, cependant, que c’est par la lutte qu’elle a été conquise. » La foule exulte, Baudouin est livide. Ce discours demeuré célèbre tranche violemment avec le paternalisme du roi des Belges. Mais plus qu’au monarque, c’est à Kasavubu que Lumumba imputera ultérieurement la responsabilité de cette sortie fort peu diplomatique.

Le matin du 1er décembre 1960, la voiture de Patrice Lumumba, traquée par les sbires de Mobutu, tombe en panne à proximité d’un chantier de l’Exploitation forestière du Kasaï, le long de la route qui mène à Stanleyville, fief des lumumbistes, que tente de gagner le fugitif. Le soir même, il sera repris par ses poursuivants sur les bords de la rivière Lodi. Mais, dans l’intervalle, il a trouvé refuge chez le chef du chantier, Albert Hermant, avec lequel, il engage un extraordinaire dialogue. Subjugué, son interlocuteur note tous ses propos. Quatre décennies plus tard, Hermant communiquera au quotidien belge Le Soir l’essentiel de son texte, qui le publie les 3 et 4 novembre 2001. « Mon discours n’était en rien dirigé contre le roi, que je considère comme un homme honnête sans pouvoirs réels, ni contre le colonisateur, lui confia le Premier ministre en fuite, mais se voulait une réplique cinglante à l’allocution du président de la République, qui, selon nos accords, aurait dû me soumettre le texte de son discours et ne l’avait pas fait. De plus, cet exposé célébrant les mérites et les réalisations du pouvoir colonial était l’exacte réfutation des propos xénophobes et revanchards qu’il développait en conseil restreint ou en privé. Cette duplicité, qui ne se démentira pas, me mit dans une colère froide. »

La crise institutionnelle qui éclata ce jour-là se révélera fatale au nouvel État congolais. Celui-ci se désagrégea en trois temps, raconte l’historien Isidore Ndaywel è Nziem(*) : « Au lendemain du départ des derniers invités venus participer aux festivités éclatèrent les mutineries de la Force publique (5 juillet). Elles furent suivies six jours plus tard par la proclamation d’indépendance du Katanga (11 juillet), puis par celle du Sud-Kasaï (8 août). Enfin le président révoqua le Premier ministre qui le révoqua à son tour le 5 septembre. » À Léopoldville, la fête du 30 juin fut intense… mais vite oubliée.

* Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la République démocratique, par Isidore Ndaywel è Nziem, Duculot, Paris-Bruxelles, 1998.

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