Premiers pétrodollars

L’archipel entre dans le cercle restreint des producteurs africains d’or noir. Une aubaine pour l’un des pays les plus pauvres du monde.

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

L’archipel de São Tomé e Príncipe devrait toucher ses premiers revenus pétroliers dès le début de l’année 2004. Ces pétrodollars proviennent de la mise aux enchères de neuf blocs pétroliers offshore officiellement lancée en avril au Nigeria. Les parcelles sont situées dans la zone d’exploitation conjointe (ZEC) que se partagent ce dernier et São Tomé, conformément à un accord conclu en février 2001 entre les deux pays, après l’échec de la délimitation de leur frontière maritime.
L’État santoméen ne touchera que 40 % de ces revenus, contre 60 % pour le Nigeria, premier producteur africain. Ces neuf blocs, qui couvrent le tiers des 34 000 km2 de la ZEC, sont mis en vente au prix de 30 millions de dollars (26 millions d’euros) chacun. Si bien que, « au premier trimestre 2004, nous devrions toucher 270 millions de dollars si nous les vendons tous », explique le ministre santoméen des Ressources naturelles, Joaquim Rafael Branco, qui espère bien que le prix de certains blocs dépassera la barre des 100 millions de dollars.
Les entreprises pétrolières disposent de trois mois pour préparer leurs offres, qu’elles devront remettre d’ici au 18 octobre. Une fois les propositions formulées, São Tomé et le Nigeria disposeront de trois mois pour les évaluer et désigner les entreprises, et de trois mois supplémentaires pour négocier et signer les contrats de partage de production (CPP).
Quel que soit le montant des transactions, cette manne providentielle va permettre d’accroître de manière substantielle le budget annuel du pays, actuellement estimé à 55 millions de dollars. São Tomé, qui compte 140 000 habitants, est classé parmi les pays les plus pauvres du monde. L’archipel dépend étroitement de l’aide internationale et cumule 300 millions de dollars de dette extérieure. Malgré les cultures de canne à sucre, de café et de cacao, le revenu annuel par habitant plafonnait à 450 dollars en 2002.
Cette mise aux enchères constitue une ouverture sans précédent pour les autorités santoméennes. D’ici à deux ou trois ans, les forages réalisés dans la ZEC permettront aux opérateurs d’évaluer le potentiel pétrolier de ce périmètre. Ce qui pourrait les inciter à poursuivre leurs explorations dans la zone économique exclusive (ZEE), sur laquelle São Tomé exerce pleinement son autorité.
Pour l’heure, les réserves exploitables de l’archipel demeurent largement méconnues. Mais son domaine maritime, contigu à celui du Nigeria et, surtout, de la Guinée équatoriale, laisse espérer un boom pétrolier équivalent à celui que connaît Malabo depuis une dizaine d’années. Les fonds santoméens présentent une structure géologique proche de celle des pays voisins, et les progrès technologiques en matière de forage permettent aujourd’hui de miser sur des gisements longtemps jugés inaccessibles.
Pour l’heure, en ce qui concerne la ZEE, seuls trois accords d’exploration lient São Tomé à des compagnies pétrolières. Il s’agit des américaines ExxonMobil et Chrome Energy et de la norvégienne Petroleum Geo-Services (PGS). En fait, ce n’est qu’au deuxième trimestre 2004 que les grandes manoeuvres devraient commencer, avec le lancement d’appels d’offres pour les blocs situés dans ses eaux maritimes exclusives, soit une superficie de 170 000 km2.
En attendant de voir les pétroliers texans se bousculer dans la petite aérogare mal climatisée de São Tomé, les autorités semblent donc en passe de remporter la première manche. Les premiers barils sont attendus pour 2007. Et si la zone d’exploitation conjointe tient ses promesses, elle ne devrait pas manquer de susciter une véritable ruée vers l’or noir.
L’irruption d’un nouveau pays dans le petit monde des producteurs de pétrole africain est d’ores et déjà un événement en soi. Mais la manière dont São Tomé a choisi de procéder constitue également une première. En annonçant publiquement le montant des transactions, l’archipel se distingue de ses voisins, dont les activités d’extraction d’hydrocarbures, et les bénéfices qu’elles suscitent, restent particulièrement opaques. Au moment où un collectif d’organisations non gouvernementales vient de lancer la campagne Publish what you pay, pour inciter à plus de transparence en matière d’exploitation minière et pétrolière, l’organisation Global Witness salue ce progrès notable, qu’elle attribue au président santoméen Fradique de Menezes.

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