À l’ombre de Pretoria

L’économie du pays repose de plus en plus sur le dynamisme de l’Afrique du Sud.

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Deux 4×4 flambant neufs sont parqués sur le pont du ferry qui relie Maputo à Catembe, de l’autre côté de la baie. Leurs propriétaires, sud-africains comme l’indiquent les plaques minéralogiques des véhicules, sont venus profiter des plages idylliques de leurs voisins le temps d’un week-end.
Pouvoir d’achat et proximité géographique aidant, les Sud-Africains constituent aujourd’hui l’écrasante majorité des visiteurs du Mozambique. Mais ils sont loin de se cantonner à la recherche d’un petit dépaysement. Le vent du libéralisme a porté nombre d’hommes d’affaires jusqu’à Maputo. Au point que l’économie mozambicaine repose de plus en plus sur le dynamisme économique de son grand voisin. L’Afrique du Sud est devenue le premier partenaire commercial du pays, devant l’ancien colon portugais et le Zimbabwe. Elle est non seulement son premier client (17,6 % de ses exportations en 2002, contre seulement 4,2 % pour le Portugal), mais aussi son premier fournisseur (28,9 % des importations). Les Sud-Africains se sont taillé la part du lion à coups d’investissements massifs, notamment dans l’agroalimentaire et la construction. Depuis 2001, ils relèguent loin derrière les Portugais : environ 500 millions de dollars (550 millions d’euros) investis par l’Afrique du Sud en 2001, contre 11 millions de dollars pour le Portugal. Plus de 7 milliards de dollars venus d’Afrique du Sud alimenteraient actuellement l’économie mozambicaine.
Deux réalisations d’envergure ont fortement contribué à cette « invasion » : l’usine d’aluminium Mozal, tout d’abord, qui tire aujourd’hui les exportations mozambicaines vers le haut ; le gazoduc Sasol, ensuite, en cours de construction. Ses 865 kilomètres de tuyaux relieront d’ici à la fin de l’année les champs gaziers de Pande et Temane, au sud du Mozambique, à Secunda, au nord-est de l’Afrique du Sud. Ce projet, financé conjointement par les gouvernements des deux pays et par l’entreprise sud-africaine Sasol, coûtera plus de 1,2 milliard de dollars.
Les relations entre les deux voisins ne se limitent pas pour autant à cet aspect économique. Les luttes pour l’indépendance ou contre le pouvoir blanc ont, au fil du temps, rapproché le Frelimo, parti de l’indépendance mozambicain, et le Congrès national africain (ANC) sud-africain. À titre d’exemple, Armando Guebuza, candidat du Frelimo à l’élection présidentielle de 2004, est réputé proche de l’ANC, et Nelson Mandela n’a-t-il pas épousé en secondes noces Graça Machel, l’ex-femme du premier président du Mozambique ?
Reste que des liens aussi amicaux ne préservent pas des petits agacements et autres ressentiments. Considérés par certains comme de nouveaux colons, les Sud-Africains ne sont pas toujours bien vus à Maputo. À l’inverse, Pretoria a parfois du mal à gérer l’afflux de main-d’oeuvre mozambicaine dans les mines de l’est du pays. Les Sud-Africains voient d’un mauvais oeil les quelque 250 000 Mozambicains qui travaillent illégalement chez eux, et ces mêmes clandestins se plaignent d’une certaine xénophobie de la part des concitoyens de Mandela. Quant à la gestion des 75 000 travailleurs légaux, elle découle d’un accord signé entre l’Afrique du Sud et le Portugal, et qui n’a toujours pas été renégocié. Selon cet accord, 90 % du salaire de ces travailleurs sont versés sur un compte du ministère du Travail mozambicain. Ils ne peuvent en toucher l’intégralité qu’après dix-huit mois passés dans les mines sud-africaines. Autres sujets donnant lieu à frictions : les problèmes de criminalité entre les deux pays. L’Afrique du Sud apprécie peu de voir arriver sur son territoire de la drogue débarquée sur les côtes mozambicaines. Toujours est-il que sans l’Afrique du Sud le pays ne pourrait se sortir d’un modèle de développement reposant essentiellement sur l’aide internationale. Et les bailleurs de fonds internationaux voient dans leur soutien à l’économie mozambicaine le moyen d’empêcher l’Afrique du Sud de devenir le leader tout-puissant, et donc incontrôlable, de l’Afrique australe.

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