Guinée : une augmentation de 25 % du prix du carburant fait monter les tensions
Alors que le prix du litre de carburant (essence, diesel et pétrole lampant) en Guinée est passé le 1er juillet de 8 000 à 10 000 francs guinéens, syndicats et partis d’opposition appellent à la grève et à des journées ville morte jusqu’au vendredi 6 juillet.
La situation est volatile ce mercredi 4 juillet dans la capitale guinéenne, Conakry, alors que centrales syndicales et organisations de la société civile, réunies lundi à la Bourse du travail, à Kaloum, une des communes de la ville de Conakry, ont appelé à trois jours de grève les 4, 5 et 6 juillet. Ces organisations protestent contre la décision « unilatérale » du gouvernement de faire passer le prix du litre de carburant (essence, diesel et pétrole lampant) de 8 000 à 10 000 francs guinéens (de 0,75 à 0,94 euro).
Un accord de février 2016 prévoyait pourtant qu’une augmentation des prix à la pompe pourrait avoir lieu si le cours du baril venait à franchir la barre des 57 dollars (49 euros) – or il a dépassé les 80 dollars en mai et est actuellement aux alentours de 75 dollars. Mais une condition de concertation préalable entre syndicats, patronat et gouvernement avait été posée.
Le 28 juin, une rencontre entre des délégués syndicaux et le nouveau Premier ministre, Kassory Fofana, s’est terminée sans accord. « Le syndicat était dans l’attente d’un nouveau tête-à-tête quand nous avons appris le 30 juin par la presse la hausse de 25 % des prix du carburant dans un contexte de crise sociale », a expliqué Mamadou Mansaré, membre du bureau de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), une des principales centrales syndicales guinéennes, justifiant la décision de son organisation d’entrer en grève. Le chef de gouvernement se trouve ainsi confronté à sa première crise sociale depuis sa nomination, le 21 mai.
Une flambée des prix inévitable
De la capitale mauritanienne, Nouakchott, où il participait au 31e sommet de l’Union africaine, le président Alpha Condé a appelé le 2e juillet les leaders syndicaux pour les convier à des négociations avec le patronat et le gouvernement. Le lendemain, le 3 juillet, quatre ministres (Hydrocarbures, Commerce, Travail et Budget) ont animé une conférence de presse pour expliquer la décision d’augmenter les prix à la pompe.
Le ministre de l’Enseignement technique, de la Formation professionnelle, du Travail et de l’Emploi, Lansana Komara, a saisi cette occasion pour inviter les partenaires sociaux à revenir ce 4 juillet autour de la table. Mais « le retour au prix initial de 8 000 francs est un préalable à toute ouverture de négociations », estime Mamadou Mansaré.
Si le gouvernement veut un dialogue, ce n’est pas dans le but de revenir sur la hausse des prix, mais plutôt pour définir les mesures d’accompagnement, notamment en faveur des salariés de la fonction publique, face au risque d’une flambée généralisée des prix sur les marchés qui semble inévitable, ont expliqué les ministres.
Carburant subventionné : un trou de plus de 735 milliards de francs pour les caisses de l’État
« Aucun dispositif réglementaire ne fixe les prix des denrées de première nécessité sur le marché. Il existe certes un cadre national de concertation sur les prix, mais il ne s’est pas réuni depuis sept ans », a rappelé Boubacar Barry, le ministre du Commerce, qui entend rencontrer le 5 juillet les représentants des chambres de commerce préfectorales, régionales ainsi que du bureau provisoire de la chambre nationale du commerce, pour discuter de ces mesures d’accompagnement.
Entre octobre 2017 et juin 2018, le maintien du prix du carburant à 8 000 francs guinéens a contraint le gouvernement à consentir des subventions « de plus en plus fortes sous forme de renonciation partielle à ses droits et taxes ». Un manque à gagner que Diakaria Koulibaly, ministre des Hydrocarbures, évalue à un montant global de 735,670 milliards de francs guinéens. Ce qui n’est plus soutenable aux yeux des autorités guinéennes, mais également à ceux de ses partenaires financiers, notamment le FMI, qui préconise la fin des subventions sur les produits pétroliers et énergétiques.
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