[Chronique] Mondial 2018 : le football africain tué par le manque de vision de ses dirigeants
Que retenir de l’élimination précoce des équipes africaines du Mondial 2018 en Russie ? Deux choses simples…
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André Silver Konan
Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.
Publié le 5 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.
Tout d’abord, le manque de vision prospective de la plupart de nos dirigeants et notre incapacité nous-mêmes en tant que peuples (du moins, pour certains d’entre nous), à nous contenter du superficiel.
Je m’explique d’abord sur le deuxième point. Quand nos équipes africaines brillaient par leur manque de performance, dans les Mondiaux de football passés, quelle était la position la plus répandue en Afrique ? Elle était simple, voire simpliste : les équipes africaines sont discriminées. Dans le fond, ce n’était pas tout à fait faux. Vu qu’en 1990, sur vingt-quatre places, l’Afrique n’avait droit qu’à deux (idem pour l’Asie), contre quatorze pour l’Europe, continent fondateur du football et de la compétition.
Mais cette thèse a vite été battue en brèche, quand l’Afrique a eu droit à cinq places, au même titre que l’Amérique du Sud, contre quatre pour l’Asie et toujours quatorze pour l’Europe. Au Mondial d’Afrique du Sud en 2010, l’Afrique s’était même payée le luxe de compter… six équipes. Cela n’a pour autant pas permis aux équipes africaines de franchir les quarts de finales. Au passage, alors que l’Amérique du Sud comptait quatre équipes, cela n’empêchait ni le Brésil, ni l’Argentine d’être champions du monde. Bref.
Nos mauvaises performances en Coupe du monde sont la conséquence de la mauvaise gestion de notre football sur le continent
On en vient donc à la cause principale, le péché essentiel : le manque de vision prospective qui fait qu’en Afrique, nos autorités préfèrent régler la conséquence, plutôt que de chercher à régler la cause. Nos mauvaises performances en Coupe du monde sont la conséquence de la mauvaise gestion de notre football sur le continent, elle-même étant le reflet de la mauvaise gestion globale des affaires publiques. La mauvaise gestion est donc la cause qu’il faut régler. Regardez nos championnats en Afrique, sommes-nous contents de les regarder ? Quelle est notre politique des sports ? Nous donnons-nous les moyens d’appliquer une bonne politique des sports ?
Personne n’a voulu faire la lumière sur la fameuse affaire des primes disparues des Éléphants
Tenez, en Côte d’Ivoire, à l’issue de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de 2015, un scandale a éclaté mettant en cause des dirigeants, dans la gestion de certaines primes qui devraient revenir aux Éléphants. Trois ans après, personne ne sait, en Côte d’Ivoire, ce qui s’est effectivement passé : personne n’a voulu faire la lumière sur la fameuse affaire des primes disparues des Éléphants. Conséquence : la Fédération ivoirienne de football (FIF) traverse une crise profonde, suite à la débâcle des Eléphants à la CAN 2017. En 2015, il y a eu le scandale de la Fédération internationale de football association (FIFA), dans lequel certains dirigeants du football africain étaient impliqués. Qui a pris soin de chercher à élucider ces choses qui constituent un iceberg de corruption dans l’océan de la gestion chaotique de notre foot africain ?
Nos arbitres sont de moins en moins sélectionnés dans les compétitions internationales. Nous posons-nous la question de savoir pourquoi ? Nos meilleurs joueurs dans nos championnats nationaux préfèrent prendre la route de « l’immigration » européenne. Pour quelles raisons ? Presque tous les internationaux africains ayant évolué dans des championnats européens reviennent dans leurs pays et deviennent critiques vis-à-vis de la gestion des dirigeants de foot de leurs pays. Prenons-nous la peine de les écouter ?
Encore une fois, nous irions mille fois en Coupe du monde, nous aurions même la moitié des places, tant que nous ne réglerons pas nos problèmes structurels dans notre propre football et continuerons à trouver des réponses conjoncturelles à nos propres problèmes, nous serons toujours humiliés de ne même pas parvenir à la qualification pour les quarts de finale. Le problème de l’Afrique, ce sont ses dirigeants (administratifs, politiques, sportifs…) qui manquent de vision ou préfèrent en manquer, pour mieux « manger » dans l’opacité. Les débâcles en Coupe du monde en sont la preuve parfaite.
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