La justice, la France et l’Afrique

Le garde des Sceaux français Dominique Perben fait le point sur la coopération en matière de lutte contre la criminalité et le terrorisme.

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

A 58 ans, Dominique Perben, garde des Sceaux français depuis le 7 mai 2002, affiche une remarquable jeunesse. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir subi le poids d’importantes responsabilités. À sa sortie de l’École nationale d’administration (ENA), en 1972, il a occupé plusieurs postes de sous-préfet, avant de devenir chef de cabinet du secrétaire d’État aux PTT en 1977, puis collaborateur du président de la région Rhône-Alpes en 1982. Il quitte la fonction publique pour la politique, devenant maire de Chalon-sur-Saône en 1983, poste qu’il retrouvera en 1989, 1995 et 2001. Après avoir été élu député de Saône-et-Loire en 1986, il est ministre des Dom-Tom de 1993 à 1995, puis de la Fonction publique entre 1995 et 1997. La dissolution de l’Assemblée nationale en mai 1997 fait revenir la gauche au pouvoir. Perben retourne au Parlement, jusqu’à ce que Raffarin lui confie la Justice au lendemain de la présidentielle de 2002. Après avoir reçu à Paris, les 19 et 20 juin, ses homologues des pays francophones, le garde des Sceaux français explique comment il entend faire face avec eux aux défis posés par les nouvelles menaces que constituent la criminalité organisée et le terrorisme.

JA.I. : Quelle forme prend aujourd’hui l’appui de la France en matière de justice ?
D.P. : Le gros de cet appui tourne autour de la formation. Nous envoyons en Afrique des experts et recevons des magistrats africains pour des stages de deux à six mois dans les tribunaux de notre pays. L’École nationale de la magistrature accueille chaque année une vingtaine d’Africains. À cela s’ajoute le soutien de nos assistants techniques, dont sept sont actuellement en poste au Bénin, au Burkina, au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, au Mali et au Sénégal. Ils sont en général placés auprès du ministre de la Justice de leur pays d’accueil, intervenant dans la mise en place des formations, la modernisation des méthodes de travail et l’appui à l’élaboration des lois.
J.A.I. :Quel est l’état de la coopération pénale ?
D.P. : Les échanges d’actes de procédure et d’informations sur les délinquants sont inexistants avec certains pays, faute de flux de populations. Avec d’autres, notamment en Afrique du Nord, ils sont soutenus, voire intensifs. Avec l’Afrique de l’Ouest, ils laissent parfois à désirer, bien que le Sénégal soit l’un des États du continent avec lequel la coopération pénale est la plus satisfaisante.
J.A.I. : Les conventions d’extradition fonctionnent-elles correctement ?
D.P. : Des conventions bilatérales, souvent négociées au lendemain des indépendances, lient la France à l’ensemble des pays francophones. On ne peut toutefois cacher que l’instabilité de certains pays gêne l’aboutissement de nombre de dossiers.
J.A.I. : Qu’a apporté la conférence des ministres de la Justice francophones sur le plan de la lutte contre les menaces terroristes et la criminalité organisée ?
D.P. : La conférence nous a permis de faire le point sur la mise en oeuvre de la convention de Palerme sur la criminalité organisée. Nous avons harmonisé nos incriminations pour les faits les plus graves, ainsi que les mécanismes internes de prévention (surveillance des flux financiers, mesures conservatoires de confiscation, lutte contre la corruption…). La France va mettre son savoir-faire à la disposition de ses partenaires africains qui ne disposent pas de législations suffisamment élaborées en matière de lutte contre le terrorisme. Des experts ont ainsi été envoyés au Maroc après les attentats qui ont frappé Casablanca, le 16 mai.
J.A.I. : Qu’entendez-vous faire contre le racisme dont sont victimes les Africains en France ?
D.P. : J’ai pris un arrêté enjoignant aux parquets de poursuivre avec fermeté tout acte de racisme. La loi que j’ai fait adopter par l’Assemblée nationale, le 23 mai dernier, renforce la lutte contre les discriminations. La circonstance aggravante de racisme va être étendue à des infractions telles que les menaces, les vols, les extorsions… Les peines sont augmentées pour les délits de discrimination, avec une circonstance aggravante si l’infraction est commise dans l’exploitation d’un lieu accueillant le public, comme les discothèques.

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