Start-up de la semaine : au Sénégal, la plateforme Sunulex centralise les ressources juridiques
Textes de lois, décisions de justice, annuaire des professionnels du droit, vidéos didactiques, etc. Le site internet lancé en 2016 par Nafissatou Tine, Franco-Sénégalaise de 34 ans, veut être le Westlaw ou le Dalloz.fr africain.
À 30 ans, la Franco-Sénégalaise Nafissatou Tine, avocate depuis 2011 à l’ordre néerlandophone du barreau de Bruxelles, a pris ses valises et ses économies, et a pris un vol pour Dakar. « Je suis retournée au Sénégal sans plan particulier », explique Nafissatou Tine, qui avait alors simplement en tête l’idée de trouver un professionnel avec qui s’associer. « Il fallait que je me mette à niveau et j’ai commencé à chercher de la documentation sur les lois sénégalaises », poursuit la start-upeuse, titulaire d’un master en droit privé à l’université François-Rabelais de Tours, en France, et de deux masters (droit général et droit social) à l’Université libre de Bruxelles.
Nafissatou Tine réalise alors le manque d’accès en ligne aux différents textes. Fin 2014, date de son retour, un site internet, comme WestLaw, leader mondial, Dalloz.fr en France ou Kluwer en Belgique, n’existe pas au Sénégal. Les textes de lois sont encore en voie de digitalisation et les réponses à des questions basiques de droit demeurent difficilement accessibles.
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« Des femmes se tournaient vers Facebook pour demander des renseignements comme la procédure de divorce », explique Nafissatou Tine, membre du Ladies Club, un groupe de solidarité entre femmes sénégalaises, créé sur le réseau social. Autre exemple frappant, lors du débat sur le référendum constitutionnel du 20 mars 2016, « un spécialiste a demandé comment accéder à la dernière version en ligne de la Constitution », s’étonne la jeune femme.
600 professionnels répertoriés
L’avocate commence alors à récolter les ressources juridiques sénégalaises, souvent éparses. Son site internet, lancé en 2016, SunuLex.sn, est en germe. « J’avais envie de faire quelque chose pour mon pays en y apportant mes compétences », explique la Dakaroise qui, à l’âge de dix ans, est partie vivre en France, le pays de naissance de sa mère, suite à la séparation de ses parents.
Sa plateforme, accessible gratuitement en ligne, rassemble textes de lois, décisions de justice, thèses et mémoires universitaires. Y figure également un annuaire des professionnels du droit basés au Sénégal, avec les coordonnées de plus de 600 personnes, ainsi que des vidéos pédagogiques, par exemple sur la création d’entreprise. Nafissatou Tine répond enfin aux questions spécifiques des usagers, lorsqu’ils ne trouvent pas leur bonheur sur la plateforme.
« J’ai rapidement réalisé que c’était un travail immense et que, pour le faire bien, il fallait le faire de façon professionnelle », poursuit la fondatrice de Sunulex. À l’été 2016, elle participe ainsi à un programme de formation en public management de six semaines à l’université américaine du Wisconsin à Madison, dans le cadre de la Young African Leaders Initiative (YALI), lancée par Obama.
Pourparlers finaux pour lever 300 000 euros
Si son projet est partout très bien accueilli, rassembler les fonds nécessaires à sa mise en place est une autre paire de manches. Nafissatou Tine se tourne alors vers sa ville d’adoption, Bruxelles. Séduite par la capitale belge où elle avait effectué son stage de fin d’études chez Human Rights Watch, la jeune avocate spécialisée en droit social et qui depuis, a appris le flamand, a décidé de s’y installer à son compte. En parallèle de l’aventure SunuLex, la Franco-Sénégalaise y garde quelques dossiers en cours pour subvenir à ses besoins et multiplie les allers-retours entre Dakar et Bruxelles.
En mars 2018, le tour est joué, ou presque. Sa start-up intègre l’incubateur Start it de la banque bruxelloise KBC où elle rencontre son informaticien. Tous les deux mois, elle passe devant le jury pour témoigner de l’avancement de son projet, bénéficie de conseils, de mise en réseau et de l’espace de coworking.
À l’assaut de l’Afrique francophone
Actuellement, Nafissatou Tine est en pourparlers finaux pour lever 300 000 euros auprès d’un investisseur. Ces fonds, auxquels s’ajoute un soutien financier de la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique, basée à Paris, à hauteur de 5 000 euros, obtenu mi-juin, devraient lui permettre de lancer une version améliorée et payante de SunuLex à la rentrée 2018.
« Aujourd’hui, on peut faire une recherche par mots clés uniquement. Il sera bientôt possible, grâce à l’intelligence artificielle, de poser une question de type « comment est-ce que je peux acheter une maison » », explique Nafissatou Tine qui cherche à recruter un directeur technique pour l’implémentation de la nouvelle plateforme.
La fondatrice de SunuLex veut également développer des services juridiques en ligne qui ne nécessitent pas de recourir à un avocat, en mettant à disposition des utilisateurs des contrats-types tels que des contrats de mariage. « Après le Sénégal, l’idée c’est de reproduire ce modèle dans d’autres pays et de partir à l’assaut de l’Afrique francophone », lance l’avocate.
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