Faustin Twagiramungu

Ancien Premier ministre du Rwanda

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

A 57 ans, l’homme ne manque pas de courage. Hutu modéré rescapé du génocide de 1994, porté à la tête du premier gouvernement de l’après-génocide, Faustin Twagiramungu a très vite dénoncé les dérives du nouveau régime. Chassé du pouvoir en 1995, il s’est exilé en Belgique. Mais le 20 juin dernier, il est rentré pour se lancer dans la course à la présidentielle prévue fin août. Et n’a pas du tout l’intention de jouer les figurants.

JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Pourquoi êtes-vous candidat ?
FAUSTIN TWAGIRAMUNGU : Je me bats pour la démocratie au Rwanda depuis 1991, et j’ai une dette envers tous ceux qui sont morts pour cette cause lors du génocide de 1994. Aujourd’hui, je ne veux pas assister à la naissance du parti unique FPR [Front
patriotique rwandais]. Je veux restaurer l’unité du Rwanda et favoriser notamment le retour des quelque 250 000 Rwandais de l’étranger. Si je suis élu, je mettrai fin à la guerre au Congo et beaucoup rentreront.
J.A.I. : N’est-il pas difficile de faire campagne dans un pays où plusieurs opposants, comme l’ancien président Pasteur Bizimungu, sont en prison ? F.T. : Oui, c’est vrai. D’autant que le juge Augustin Tyza et le docteur Léonard Hitimana, député MDR [Mouvement démocratique rwandais], ont été enlevés en avril dernier. J’ai hésité à rentrer, mais advienne que pourra.
J.A.I. : Le président Paul Kagamé a déclaré que les craintes à propos de votre sécurité étaient totalement injustifiées [J.A.I. n° 2212]. N’êtes vous pas sa caution démocratique auprès des Occidentaux ?
F.T. : Depuis mon retour au Rwanda, la radio d’État n’a pas dit un mot sur moi. Si je ne peux pas faire campagne, si je suis réduit à un rôle de figurant dans ma chambre d’hôtel de Kigali, j’en tirerai les conséquences.
J.A.I. : Vous présentez-vous comme hutu ou comme rwandais ?
F.T. : Je suis loin de faire l’unanimité chez les Hutus. Beaucoup d’entre eux ne m’aiment pas depuis ce jour de 1991 où j’ai lancé l’idée d’associer le FPR au pouvoir. Je ne ferai pas campagne en disant : « Je suis hutu, vous aussi, donc votez pour moi. » Je me présente comme un unificateur et comme rwandais. Cela dit, je ne renie pas l’ethnie à laquelle j’appartiens. Le fait d’être tutsi ou hutu n’empêche personne de faire une politique d’unité nationale.
J.A.I. : Ne craignez-vous pas d’être accusé de « divisionnisme » en tenant de tels propos ?
F.T. : Le FPR occupe 90 % des postes clés du pouvoir et vient de bannir le MDR. On ne peut pas être plus divisionniste que cela ! On peut, bien sûr, lancer des poursuites contre les membres du MDR qui prônent la haine. Mais traiter ce parti de « génocidaire » et de « nazi », et le faire interdire, c’est tout sauf unificateur !
J.A.I. : Le pouvoir appelle les Rwandais à ne plus s’identifier comme hutu ou tutsi. Êtes-vous d’accord ?
F.T. : Je pense que cette attitude est hypocrite et qu’elle ne réglera rien. Regardez les Burundais. Ils font exactement le contraire. Ils tentent de trouver une solution sur une base ethnique. Ils se disent la vérité. De toute façon, vous n’empêcherez pas les gens de dire : « Kagamé est tutsi » ou « Twagiramungu est hutu ». Ce qui est important, c’est que les gens disent « Twagiramungu est hutu, mais il a des idées acceptables pour tous ».
J.A.I. : Avez-vous honte quelquefois d’être hutu ?
F.T. : Jamais. Le génocide de 1994 a été commis par un pouvoir hutu, mais les Hutus ne sont pas tous coupables ! Et 200 000 Hutus sont morts lors du retour forcé des réfugiés du Congo en 1996-1997. Il faut mettre fin au traumatisme commun de tous les Rwandais. Personne n’a le monopole de la souffrance.
J.A.I. : Avez-vous des contacts avec les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] ?
F.T. : Aucun. Les FDLR veulent la conquête du pouvoir par la force et la revanche des Hutus. Moi, je veux des élections libres et le partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis. Nous sommes donc diamétralement opposés.
J.A.I. : Les pays anglo-saxons soutiennent Paul Kagamé. N’êtes-vous pas isolé ?
F.T. : Je n’ai pas à être la victime du sentiment de culpabilité des Britanniques et des Américains à l’égard du Rwanda. Et à ceux qui disent que, après le génocide, mon pays ne peut plus être une démocratie comme une autre, je réponds : regardez l’Allemagne !

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