Chantage en haute mer ?

Publié le 30 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Le 22 juin, la police maritime grecque a arraisonné, en mer Ionienne, le Baltic Sky, un cargo battant pavillon comorien, propriété de la compagnie Alpha Shipping Inc., enregistrée aux îles Marshall, en Océanie. À son bord, une importante quantité d’explosifs. Le bateau, qui devait se rendre au Soudan pour livrer sa cargaison à la compagnie Integrated Chemicals and Development (ICD), basée à Khartoum, a changé plusieurs fois d’itinéraire, éveillant les soupçons des autorités grecques. Les documents de bord indiquent qu’il a quitté l’Albanie le 27 avril pour Gabès, au sud-est de la Tunisie, où il a été chargé le 12 mai, puis s’est rendu dans les Dardanelles le 21 mai, à Istanbul le 22, avant de repasser le Détroit le 2 juin. Il a donc été un peu partout sauf à Port-Soudan, sa destination initiale, où il était attendu le 21 mai.
Dans une conférence de presse donnée le 23 juin, le ministre grec de la Marine marchande, Georges Anoméritis, a annoncé que le bateau transportait 680 tonnes d’explosifs et 8 000 détonateurs, « l’équivalent d’une bombe atomique. […]

Nous enquêtons pour savoir qui était derrière le destinataire, et même dans le cas où il s’agirait d’une société normale, cette quantité est incroyablement importante. Qu’en ferait-elle ? » Le chef du service de renseignements grecs (EYP), Pavlos Apostolidis, n’a pas été avare, lui non plus, en déclarations alarmistes. Dans une interview à la chaîne de télévision privée Mega Channel, il a déclaré qu’il ne pouvait « exclure qu’el-Qaïda ou un autre groupe ait été le destinataire final de la cargaison ».
Les autorités grecques, qui semblent avoir conclu rapidement à une affaire de trafic d’armes pour le compte d’un réseau terroriste, n’ont pas tardé à être démenties. Dans un communiqué publié, le même jour à Tunis, la Société tunisienne d’explosifs et munitions (Sotemu) a affirmé avoir conclu « un accord commercial avec la société ICD » pour la livraison d’une quantité d’« explosifs stables utilisés couramment dans les mines et carrières et dans les exploitations pétrolières ». L’autorisation d’importation a été délivrée par les autorités soudanaises et les opérations de chargement ont été effectuées le 12 mai à Gabès.

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Selon la Sotemu – société anonyme au capital tuniso-européen exportant près du tiers de sa production -, l’armateur a changé d’itinéraire et menacé de confisquer la cargaison et de la revendre si un montant supplémentaire de 10 000 dollars ne lui était pas versé, allant jusqu’à faire paraître, le 10 juin, sur Internet une annonce mettant en vente la cargaison du Baltic Sky. Les responsables de la société ont alerté les autorités tunisiennes et porté plainte, le 13 juin, auprès du tribunal de première instance de Tunis contre l’armateur irlandais, Christian Mc Nulty, le courtier tunisien Thameur Mouin et l’équipage du Baltic Sky pour « abus de confiance ». Des mandats d’amener internationaux ont même été lancés contre ces personnes.
Dans une conférence de presse donnée le 24 juin, le ministre tunisien de l’Intérieur et du Développement local Hédi M’henni a affirmé, que les explosifs étaient destinés à des usages civils classiques, comme le forage pétrolier, la construction de barrage, l’extraction minière, les carrières et les grands travaux. Il a ajouté que le Soudan s’est toujours approvisionné en ce type de produit auprès de nombreux pays, tels que la France, l’Espagne, la Chine et, peut-être bien la Grèce, critiquant, au passage, les « propos excessifs et injustifiés » du ministre grec de la Marine marchande.
Le même jour, le ministre soudanais des Affaires étrangères Moustafa Osmane Ismaïl a convoqué l’ambassadeur de Grèce pour lui exprimer « la vive irritation du Soudan face à la précipitation avec laquelle la partie grecque a agi », exigeant le renvoi du chargement vers le Soudan.

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