Villes nouvelles : modèles ou pis-aller ?
Pour décongestionner les agglomérations désorganisées par des années d’urbanisation anarchique, la construction de villes nouvelles est relancée. Mixité, redéploiement économique et protection de l’environnement : les enjeux et les écueils à éviter sont
En 1968, un Algérien sur trois était citadin. En 2008, 80 % de la population vit en ville, principalement sur le littoral, la seule wilaya d’Alger comptant 5 millions d’habitants. Quatre fois plus qu’il y a vingt ans. Cette urbanisation accélérée s’est faite dans l’anarchie. D’où l’urgence d’un rééquilibrage et d’une prise à bras-le-corps du problème par les autorités. Tel est précisément l’objet du Schéma national du territoire, alias « Snat 2025 », élaboré par le ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme, Cherif Rahmani. Afin de décongestionner les villes principales et de mieux répartir la population, le Snat entérine la création de villes nouvelles. Parmi elles, Sidi Abdallah, à quelque 30 km à l’ouest d’Alger.
Sidi Abdallah se niche au milieu des collines, en surplomb de Zeralda. Versant sud : les montagnes ; versant nord : la mer. L’idée ne date pas d’hier mais des années 1980, même si ce n’est qu’en 1997 que le projet est lancé, sous la houlette de l’éphémère gouvernorat d’Alger, dirigé par Cherif Rahmani. Jean-Jacques Deluz, architecte installé en Algérie depuis 1956, conçoit le plan d’aménagement. « Une expérience passionnante », confie-t-il. Charte, plans directeurs, quartiers, logements, placettes, lac, jusqu’aux arrêts de bus Rien n’est laissé au hasard. Objectif : ériger une ville complète, dotée de tous les services et infrastructures nécessaires, soucieuse de l’environnement et de la qualité de vie de ses futurs habitants (25 % de la superficie prévue est dévolue aux espaces verts). Sur près de 7 000 hectares, on imagine un pôle urbain qui puisse accueillir, à l’horizon 2020, 150 000 à 200 000 habitants, 30 000 logements, 20 000 emplois, 1 000 PME, des sociétés nationales et multinationales, un cyberparc Le chantier est titanesque.
La difficile genèse du projet
Les premiers coups de pioche sont donnés en 1998, peu après l’installation de l’Établissement public d’aménagement de l’agglomération nouvelle de Sidi Abdallah (EPA-Ansa), créé le 1er septembre 1997. Les avancées, alors rapides, du projet sont à mettre au crédit d’un homme, qualifié par ceux qui ont travaillé à ses côtés de « haut commis de l’État, intègre et compétent » : Liess Hamidi, directeur de l’Ansa. Il n’a pas ménagé ses efforts pendant sept ans au point d’être emporté par une crise cardiaque en juin 2004. Mais son travail n’a pas été vain : la même année, un décret exécutif du chef du gouvernement portait création officielle de la ville nouvelle de Sidi Abdallah.
Quatre ans plus tard, où en est-on ? Ou, plutôt, où est Sidi Abdallah ? À l’entrée de la ville, un grand panneau souhaite la « bienvenue dans la ville nouvelle de Sidi Abdallah ». On suit la route qui serpente entre les collines. Sur les côtés se succèdent des panneaux aux inscriptions gommées par le temps : « Zone d’activité », « Pépinière d’entreprises »Â Mais au-delà, pas grand-chose. Sur les 22 quartiers du plan initial, seul celui de Sidi Benour est sorti de terre. Des cités de logements peu esthétiques, bien loin du concept des « Mille et Une Nuits » imaginé par Deluz. En tout cas, toujours pas d’équipements collectifs, de services, d’activités et encore moins d’enseignes à haute valeur ajoutée.
Dix ans après le début du chantier, la ville nouvelle va-t-elle en rester là ? L’Ansa a manifestement perdu de son efficience après 2004, mais, depuis quelques mois, des signes de reprise en main apparaissent. L’an dernier, Cherif Rahmani obtient que la tutelle de l’Ansa soit confiée à son ministère et le Snat 2025 réaffirme une ambition : faire de Sidi Abdallah un « pôle de compétitivité et d’excellence » (POC) spécialisé dans les nouvelles technologies de l’information et la biomédecine. Budget total : 4 milliards d’euros. Cependant, le projet continue de buter sur un point de taille : le foncier. Faute d’une législation rigoureuse et d’actes de propriété en bonne et due forme, le rachat des terres a été épineux et continue de poser des problèmes.
Parmi les bénéficiaires des quelques terrains déjà attribués figurent l’Institut national des archives militaires et le centre audiovisuel de l’Anep (Entreprise nationale de communication, d’édition et de publicité), ainsi que des groupes privés. Le premier servi est l’émirati Emaar, qui a acquis 400 ha où il prévoit de construire 1 600 logements, un hôtel de haut standing, un campus et un golf. Des terrains ont également été attribués à deux hôpitaux spécialisés en chirurgie et en cardiopédiatrie. Quant au pôle universitaire (20 000 places), l’appel d’offres lancé en 2007 pour le choix d’un architecte a été infructueux. Et le ministre de l’Enseignement supérieur ne cache pas sa préférence pour un pôle d’excellence réservé à 3 000 chercheurs et enseignants-chercheurs.
Cyberparc pour cité du futur
En mars 2008, un accord a été signé pour la conception, la réalisation et l’équipement d’un Institut supérieur des travaux publics (ISTP), destiné à accueillir 900 personnes. Le projet, d’un coût de 10 millions d’euros, est financé par le chinois Citic-CRCC, déjà chargé d’un tronçon de l’autoroute Est-Ouest (voir p. 68). Le chantier de l’ISTP doit démarrer au second semestre 2008, pour être livré à l’automne 2009.
Le projet le plus abouti est le cyberparc de 93 ha, qui a bénéficié d’une enveloppe de 5 milliards de dinars (plus de 53 millions d’euros). Son ambition ? Devenir la Silicon Valley algérienne. Les travaux ont démarré en 2004, avec le siège de l’Agence nationale de promotion et de développement des parcs technologiques (ANPT). Il compte un immeuble multilocataire, un centre d’études et de recherche en technologies de l’information et de la communication (Certic), un incubateur et un hôtel cinq étoiles. Une vingtaine d’entreprises nationales et étrangères auraient répondu à l’appel à manifestation d’intérêt de l’ANPT, qui s’est clos le 15 juin.
Afin de convaincre les investisseurs, seuls à même d’assurer une pleine réussite à Sidi Abdallah, priorité est donnée aujourd’hui à la finalisation du plan directeur pour procéder à la viabilisation préalable de l’ensemble de la ville : routes, connexion aux réseaux télécoms, d’eau, d’électricité, de gaz, d’assainissement, etc. Le coût estimé est de 400 millions d’euros, soit 10 % du budget total de Sidi Abdallah. Un premier appel d’offres, infructueux, a dû être renouvelé. Les réponses sont attendues pour le mois de septembre 2008. Si rien ne vient perturber le calendrier prévisionnel, les candidats seront sélectionnés à la fin de 2009, puis des maîtres d’Âuvre en 2010, pour un lancement de ce vaste chantier en 2011Â Et sa livraison en 2017. Pourvu que le développement exponentiel de la conurbation algéroise veuille bien respecter ledit calendrier.
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