Tunisie : c’était Mohamed Ben Smaïl

Fondateur de « L’action », qui deviendra plus tard « Jeune Afrique », ou encore des éditions Cérès, Mohamed Ben Smaïl est et restera un homme libre au parcours très riche. Il est décédé le 7 juillet, à 92 ans.

Mohamed Ben Smaïl (à g.) avec Béchir Ben Yahmed (c.), à Tunis, en 1960. © Archives Jeune Afrique

Mohamed Ben Smaïl (à g.) avec Béchir Ben Yahmed (c.), à Tunis, en 1960. © Archives Jeune Afrique

Publié le 9 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.

Ceux qui l’ont connu ont la certitude d’avoir rencontré un homme essentiel, « comme on n’en fait plus », dit avec émotion l’un de ses amis qui a accompagné Mohamed Ben Smaïl à sa dernière demeure, ce samedi 7 juillet. À 92 ans, le fondateur de Cérès Éditions, la plus ancienne maison d’édition au Maghreb, s’était fait rare mais pour tous, il appartenait à la génération des pionniers, celle qu’on cite en exemple. Jeune juriste, il s’était investi, avec Béchir Ben Yahmed, dans l’aventure du journalisme en fondant L’Action, qui deviendra plus tard Jeune Afrique.

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Rédacteur en chef du magazine, il se souviendra plus tard d’une période exaltante où la rédaction était devenue le passage incontournable de Jean Daniel, de Guy Sitbon et de tout ce que Tunis comptait d’intellectuels, de politiciens et de personnalités influentes comme Habib Boularès et Mohamed Masmoudi, ou son ami le banquier Serge Guetta.

Béchir Ben Yahmed entre Guy Sitbon, à gauche, et Mohamed Ben Smaïl, à droite, dans la salle de rédaction d'"Afrique Action" à Tunis, en 1960. © Archives Jeune Afrique-REA

Béchir Ben Yahmed entre Guy Sitbon, à gauche, et Mohamed Ben Smaïl, à droite, dans la salle de rédaction d'"Afrique Action" à Tunis, en 1960. © Archives Jeune Afrique-REA

Pour une Tunisie moderne

Dans le bouillonnement d’idées marquant la veille des années 1960, on débattait des indépendances, on soutenait l’Algérie et on jetait les jalons d’une Tunisie moderne. « Ce fut une époque passionnante. J’ai beaucoup appris sur la façon de faire un journal, de présenter un article, de mettre en valeur un sujet », dira celui qui avait une belle plume et un talent certain.

Resté en Tunisie après le départ de Béchir Ben Yahmed pour Rome, il passe par le tourisme, un secteur naissant, et convaincra Gilbert Trigano d’ouvrir le premier Club Med à Djerba, qui lancera la destination chez les opérateurs internationaux. Il saura insuffler des idées nouvelles aussi bien à la présidence de l’Espérance sportive de Tunis (EST), l’un des deux clubs majeurs de la capitale, qu’à la tête du Tennis Club de Tunis, où il appréciait les grandes discussions autour d’un café.

Il s’était aussi démarqué en refusant toute ingérence du pouvoir lorsqu’il avait été désigné à la tête de la Radiodiffusion-Télévision Tunisienne (RTT). L’expérience fut brève mais les anciens appellent encore cette période l’Année des Fleurs.

Béchir Ben Yahmed et Mohamed Ben Smaïl dans la salle de rédaction d'"Afrique Action" à Tunis, en 1960. © Archives Jeune Afrique-REA

Béchir Ben Yahmed et Mohamed Ben Smaïl dans la salle de rédaction d'"Afrique Action" à Tunis, en 1960. © Archives Jeune Afrique-REA

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Un homme libre

Cet homme affable, tout en retenue et discrétion, sera plus tard président du Conseil supérieur de la Communication, auquel il a tenté d’introduire un fond de démocratie, mais il s’éloignera du monde politique. Rien n’intéressait autant Mohamed Ben Smaïl que de faire des livres, suivre des textes avec ses compagnons de route comme le furent Noureddine Ben Khedher et Hamadi Essid.

À travers ses collections d’ouvrages mais également la revue Carthage, dédiée au patrimoine tunisien, qu’il publie, il racontait la Tunisie qu’il aimait. Une terre de lumière, à laquelle cet originaire de Djerba profondément attaché à son île, a consacré les premiers livres d’art et de photographie de l’édition tunisienne, un acte de mémoire.

Je referais ce que j’ai fait, notamment ne pas m’accrocher à la vie politique, et mener la vie personnelle que j’ai voulue, confiait-il

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Celui qui n’appréciait pas les bilans financiers développera Cérès malgré les tracas du régime, avec un volet communication et une imprimerie, avant de passer le flambeau à ses enfants, Karim et Rachid. « Je referais ce que j’ai fait, notamment ne pas m’accrocher à la vie politique, et mener la vie personnelle que j’ai voulue », confiait il y a trois ans cet homme libre qui manquait au monde de l’édition depuis sa retraite comme il manque déjà, aujourd’hui, à la Tunisie.

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Béchir Ben Yahmed, entouré de ses rédacteurs Guy Sitbon et Mohamed Ben Smaïl, aux débuts d’Afrique Action, ancêtre de JA, vers 1960. © D.R.

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