Tiken Jah, tel qu’en lui-même

Mélange subtil de textes, d’entretiens et de photos, l’ouvrage de la journaliste Frédérique Briard est aussi la première biographie consacrée au reggaeman ivoirien.

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Journaliste pour l’hebdomadaire Marianne, Frédérique Briard a eu l’heureuse idée d’écrire un livre sur Moussa Doumbia, alias Tiken Jah Fakoly. Une première du genre qui constitue de fait la biographie la plus exhaustive disponible à ce jour de celui qui, en quelques années, est devenu la star incontournable du reggae en Afrique.
Publié aux éditions Les Arènes, l’ouvrage est un mélange subtil de textes, d’entretiens, de citations et de photos retraçant l’épopée de l’enfant prodige originaire d’Odienné, au nord de la Côte d’Ivoire. Il contient aussi, en alternance, quelques documents historiques telle cette charte de Kurukan Fuga, dictée en 1236, régissant l’organisation sociale de l’Empire mandingue. Et parvient à faire voyager le lecteur entre le présent et le passé de l’Afrique, mais aussi entre le discours d’un chanteur engagé et les icônes qui, telles Haïlé Sélassié, Patrice Lumumba ou Thomas Sankara, ont façonné sa personnalité.
Un mouvement perpétuel que justifie en partie la descendance du chanteur. Plus qu’un artiste, Fakoly, né en 1968, est le digne héritier de Fakoly Koumba Fakoly Daba, guerrier emblématique du royaume mandingue qui exercera une influence quasi mystique sur le jeune Moussa, au point que ce dernier en fera son patronyme artistique avant d’adosser le diminutif « Tiken », que lui donna son père, et Jah, dieu des Rastafari.
Baigné dès sa plus tendre enfance par les rythmes reggae de Bob Marley, Burning Spears et Alpha Blondy, Fakoly s’inspirera également de la témérité de son aïeul pour affronter une famille musulmane hostile à son désir d’être chanteur – qui plus est flanqué de dread­locks – et dénoncer les atteintes aux libertés, aux droits de l’homme ou à la démocratie. « Tiken n’hésite pas à pourfendre l’injustice et l’oppression partout où elles se nichent, y compris au sein de la tradition, domaine tabou s’il en est », explique Frédérique Briard.
Depuis ses premiers pas au début des années 1990 avec Les Djelys, le nom de son groupe et titre de son premier album (1993), Fakoly est devenu le porte-drapeau d’une jeunesse assoiffée de contestation. De ce livre écrit dans un style sobre ressort une vie d’engagement au nom de causes légitimes et de nobles luttes.
Tel James Brown clamant sa fierté d’être noir dans une Amérique raciste (« I’m Black, I’m Proud »), Fakoly intime l’ordre aux jeunes Africains de relever la tête. De combattre les élites corrompues (Mangercratie, 1996), de reprendre leur destin en main (Cours d’Histoire, 1999 ; L’Africain, 2007), de pousser un « Coup de gueule » (2004) et de condamner le néocolonialisme rampant dans un album-hommage (Françafrique, 2002) à François Xavier-Verschave, fondateur de l’Association Survie avec lequel il avait noué une solide amitié. Françafrique lui vaudra même une Victoire de la musique.
« Une autre Afrique existe que celle, misérabiliste, mise en exergue par les médias occidentaux. Elle est dynamique, motivée, bouillonnante d’énergie et d’ingéniosité, tournée vers l’avenir », affirme Frédérique Briard. Le sujet de son livre en est une parfaite illustration. L’aura de Tiken Jah Fakoly est telle qu’elle lui permet aujourd’hui de rayonner un peu partout sur le continent pour mieux pointer ses dysfonctionnements et dénoncer les maux qui le rongent.

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