Renouveau israélien

Après l’Iran, la Corée du Sud, l’Argentine et la Roumanie, Israël devient la nouvelle puissance émergente du septième art. Et se donne les moyens d’une telle réussite.

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Parmi les films les plus remarqués, du dernier Festival de Cannes, deux étaient israéliens et sortent actuellement dans les salles européennes. L’un, Les Sept Jours, de Ronit et Shlomi Elkabetz, frère et soeur et complices derrière la caméra, est revenu couvert d’éloges. Il était présenté en ouverture de la Semaine de la critique. L’autre, Valse avec Bachir, d’Ari Folman, qui participait à la prestigieuse compétition pour la palme d’or, fut de l’avis général le grand oublié du palmarès.
Le portrait impressionnant d’une famille qui se déchire lors du traditionnel deuil de sept jours que nous a proposé le couple Elkabetz a confirmé le talent de ces deux acteurs et cinéastes, déjà repérés depuis la réalisation en 2004 de Prendre femme. Pour Ari Folman, qui était surtout connu comme documentariste de télévision, il s’agit en revanche d’une véritable révélation.
Avec Valse avec Bachir, il évoque sa propre histoire de soldat engagé dans la première guerre du Liban de manière très originale. D’abord de par son sujet : se rendant compte qu’il ne se souvient de rien, ou presque, sur les quelques jours qu’il a passés en 1982 à Beyrouth au moment même où se déroulaient les massacres de Sabra et Chatila, le héros du film se livre à une enquête auprès de ceux qui étaient dans l’armée israélienne avec lui, pour tenter de briser cette amnésie.
Ensuite, et surtout, de par la forme choisie pour raconter cette enquête, que Folman a effectivement menée, et pour restituer ses bribes de souvenirs sous forme de flash-back : le film, entièrement dessiné, à l’exception de son épilogue, avec des images d’archives, se présente comme le premier véritable documentaire d’animation jamais réalisé – exception faite, peut-être, de Persepolis (2007) dans lequel Marjane Satrapi évoque sa jeunesse en Iran par le dessin.
Mais on ne saurait nier la réussite éclatante de l’entreprise de Folman, qui lui a demandé quatre ans de travail et l’a obligé, il y a six mois, à hypothéquer sa maison pour pouvoir terminer son Âuvre. Ces deux films, comme d’autres longs-métrages israéliens sortis tout récemment (notamment l’excellent documentaire sur l’« invention » de l’hébreu moderne, Langue sacrée, langue parlée, de Nurith Aviv) ou comme le court-métrage L’Hymne, d’Elad Keidan, qui a obtenu le prix de la Cinéfondation (meilleur film issu d’une école de cinéma) à Cannes, témoignent d’un phénomène nouveau.

Surgissement
Il y a vingt ans, l’Iran était la puissance émergente la plus en vue dans le cinéma mondial. Dix ans plus tard, s’imposaient la Corée du Sud et la Chine. Puis, plus récemment, l’Argentine et la Roumanie. Aujourd’hui, c’est au tour d’Israël d’occuper cette place. Une performance unique pour un pays d’à peine six millions d’habitants.
Ce surgissement au premier plan d’un cinéma dont l’auteur de Kadosh et Kippour, Amos Gitaï, était naguère le seul ambassadeur au niveau international ne doit rien au hasard. Il résulte de la conjonction de plusieurs facteurs dont les plus importants sont sans doute, d’une part, la création et le financement par le gouvernement d’un fonds de soutien très actif au septième art (l’Israel Film Fund). Et, d’autre part, la vitalité générale du secteur audiovisuel (cinq chaînes de télévision, de multiples sociétés de production, etc.) qui a contribué à former et à faire vivre de leur métier nombre de réalisateurs et de professionnels du petit comme du grand écran.
La multiplication des accords de coproduction, notamment avec la France (vingt-huit films coproduits entre 2001 et 2007, dont une bonne partie des plus marquants), a permis pour sa part de porter le nombre de tournages à un niveau relativement élevé : dix-huit films terminés en 2007 et autant en 2008. Et, bien sûr, c’est la créativité des auteurs, qui ont su notamment varier les sujets en ne s’enfermant pas dans la seule évocation du conflit israélo-palestinien, qui a fait le reste.

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(Les Sept Jours sort à Paris le 2 juillet ; Valse avec Bachir est sorti le 25 juin, Langue sacrée, langue parlée le 4 juin)

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