Quand Kadhafi s’en mêle

Dans un discours prononcé le 11 juin, le « Guide » a repris insidieusement les arguments brandis par les adversaires de Barack Obama.

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Le « Guide » de la Jamahiriya a-t-il seulement voulu mettre son grain de sel dans la campagne présidentielle américaine, ou fait-il sciemment le jeu du candidat républicain John McCain au détriment de Barack Obama ? Dans son discours du 11 juin, Mouammar Kadhafi a en tout cas multiplié les bourdes dont il est difficile de croire qu’elles sont innocentes. Évoquant la question sensible de Jérusalem, il a rapporté les propos du candidat démocrate devant l’Aipac, le lobby pro-israélien, selon lesquels la Ville sainte « demeurera la capitale indivisible d’Israël ». Le lendemain, Obama rectifiait le tir en indiquant que la question du statut de Jérusalem « doit être négociée par les deux parties », l’occupation de Jérusalem-Est étant illégale en vertu d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Or Kadhafi a totalement ignoré la mise au point d’Obama, s’en tenant aux premiers propos du candidat.
Deuxième bourde : bien qu’Obama se soit toujours déclaré chrétien, Kadhafi continue de le qualifier de musulman. « Nous espérons, a déclaré le leader libyen, que cet homme noir montrera qu’il est fier de son identité africaine et musulmane, et qu’il changera l’Amérique, la conduira du mal vers le bien » Kadhafi apporte ainsi de l’eau au moulin des partisans de McCain et de certains dirigeants d’organisations sionistes américaines qui font de l’appartenance religieuse une arme électorale contre un candidat faussement désigné comme musulman, suprême accusation aux États-Unis depuis que les néoconservateurs professent la théorie du « choc des civilisations ».
Troisième bourde, la légèreté avec laquelle Kadhafi a repris l’hypothèse selon laquelle l’ancien président John F. Kennedy aurait été assassiné parce qu’il refusait qu’Israël se dote de l’arme nucléaire. Selon le « Guide », Obama soutient Israël parce qu’il craindrait de subir le même sort. Hillary Clinton avait d’ailleurs évoqué l’assassinat de Bob Kennedy, alors candidat aux primaires, pour justifier son maintien dans la course à l’investiture, avant de s’excuser publiquement. Pourquoi Kadhafi reprend-il ainsi insidieusement les arguments utilisés par les adversaires d’Obama ? Quel intérêt aurait-il à rouler pour John McCain ? En 2000, c’est ce dernier qui avait inclus la Libye parmi les trois États « voyous » (avec l’Irak et la Corée du Nord), dont les États-Unis devaient « renverser » le régime s’ils continuaient à développer des armes de destruction massive (ADM). Kadhafi avait reçu le message cinq sur cinq et renoncé à son programme d’ADM. Et c’est McCain qui a signé, en mars 2005, le rapport du Congrès portant sur l’évaluation du démantèlement du programme libyen. Depuis, le « Guide » peut dormir sur ses deux oreilles. Une partie du mérite en revient aux talents d’un cabinet de lobbying, qui a réussi à redorer l’image de la Libye et de Kadhafi aux États-Unis, prodiguant même au « Guide » des conseils pour mieux « naviguer » à Washington. Ce cabinet de lobbying – Fahmy Hudome International – continue, à ce jour, de représenter les intérêts libyens à Washington. Il est dirigé par un ancien haut responsable du département d’État, Randa Fahmy Hudome, épouse de Mike Hudome, actuel consultant en communication dans l’équipe du candidat John McCainÂ

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