Les grands moyens

L’aménagement du territoire devient une priorité. Les recettes issues des hydrocarbures permettent de mener à bien les chantiers indispensables au décollage économique et social.

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 5 minutes.

Trois décennies (de 1962 aux années 1990) marquées par les errements économiques de la gestion socialiste des affaires de la cité. Suivies d’une quatrième, caractérisée par une tragique explosion de la violence islamiste provoquant des centaines de milliers de victimes et plus de 20 milliards de dollars de dégâts . Sans compter les effets d’un plan d’ajustement structurel, adopté sur injonction du Fonds monétaire international (FMI), en 1994. L’économie algérienne est sortie du XXe siècle exsangue, avec un système bancaire sclérosé, une bureaucratie étouffante, des entreprises publiques sous perfusion et une déplorable image à l’extérieur.
Cependant, les choses changent. En grande partie grâce aux hydrocarbures. En ce domaine, en effet, la réussite de l’Algérie ne tient pas seulement au fait qu’elle dispose encore de gisements prometteurs, mais aussi à son statut de fournisseur fiable, pour le pétrole comme pour le gaz. Aucune des multiples crises, politiques ou sociales, ayant secoué l’Algérie indépendante n’a gêné, de quelque manière que ce soit, l’exploitation et la commercialisation de ses hydrocarbures. Et cela tombe plutôt bien en ce début de millénaire où, alors que les cours du baril flambent et que les caisses du Trésor public se remplissent à vue d’oeil(120 milliards de dollars de réserves de devises actuellement), le président Abdelaziz Bouteflika veut faire de l’Algérie un pays qui change.
Un programme quinquennal (2004-2009) d’investissements de l’ordre de 155 milliards de dollars est lancé. En tête des priorités du Programme de soutien à la croissance (voir Repères p. 66) figure l’amélioration des conditions de vie de la population. Autre objectif majeur : le développement des infra­structures de base, auquel sont consacrés plus de 40 % de l’enveloppe financière globale du programme. Il est vrai que les chantiers sont colossaux : modernisation de 1 220 km de la rocade ferroviaire, électrification de l’ensemble du réseau, soit 2 000 km de voies ferrées (voir pp. 74-75), lancement des études pour l’extension du métro d’Alger, réalisation de lignes de tramway dans les grandes villes du Nordconcernant le secteur routier, l’autoroute est-ouest devrait être réceptionnée en 2010, en attendant les études sur un projet d’autoroute des Hauts-Plateaux (voir pp. 68-69). Outre la réalisation de plusieurs rocades et la réhabilitation de 6 000 km du réseau routier national, un programme de réalisation de périphériques autour des grandes agglomérations est envisagé pour décongestionner la circulation dans les pôles urbains.

À projets majeurs financements colossaux
Autant de chantiers qui ont d’ores et déjà bouleversé le paysage dans la partie nord de l’Algérie. Un pays immense avec ses 2 millions de km2, mais qui connaît un fort déséquilibre démographique, puisque plus de 90 % des 35 millions d’Algériens vivent sur une portion de territoire longue de 1 200 km, la côte méditerranéenne, et large de moins de 100 km, entre littoral, chaînes montagneuses et les Hauts-Plateaux.
Sur ces déséquilibres démographiques se greffent des disparités économiques entre les différentes régions, ainsi qu’entre les centres urbains et les zones rurales. Le terrorisme qui a sévi durant les années 1990 a provoqué un dépeuplement sans précédent des campagnes, entraînant la défiguration des villes, où les vertus de l’urbanisme ne relevaient déjà plus que du souvenir. Avec de telles données, aucune stratégie de développement ne pouvait être efficace sans la mise en oeuvre d’un rigoureux projet d’aménagement du territoire. Le retour de la sécurité, une nouvelle politique de soutien et de financement de la production agricole ainsi que le désenclavement des territoires grâce à la réalisation d’infrastructures de base ont enrayé le phénomène d’exode rural. Les villages et les hameaux revivent. Une meilleure répartition de la population, jusqu’à présent encore concentrée dans les grandes agglomérations, passe notamment par l’amélioration de l’attractivité des Hauts-Plateaux. Batna, capitale des Aurès, Tiaret, ville impériale, Saïda ou Béchar, toutes les grandes villes de l’intérieur du pays bénéficient de financements supplémentaires pour rattraper les déficits en matière d’infrastructures. L’aménagement du territoire s’appuie sur une nouvelle stratégie industrielle, qui définit les priorités et le choix des sites d’implantations économiques.
Outre l’enveloppe de 10 milliards de dollars dont elle bénéficie à travers le programme spécial de développement des Hauts-Plateaux, l’Algérie profonde profite également du programme du million de logements. Son secteur de la santé s’est lui aussi enrichi par la réception de 17 hôpitaux, dont une demi-douzaine de CHU. L’installation en cours de 14 stations de dessalement d’eau de mer, les transferts d’eau au sein du réseau de barrages et l’exploitation de plus en plus ambitieuse des immenses réserves de la nappe albienne (6 000 milliards de m3) ont sensiblement amélioré la distribution d’eau potable (voir p. 76). Près d’un million de foyers ruraux devraient être raccordés au réseau de distribution de gaz naturel. L’extension du programme d’électrification devrait en toucher 400 000 autres. Enfin, la modernisation et le maillage des infrastructures autoroutières et ferroviaires, la création de plates-formes logistiques, la couverture du territoire par des réseaux de télécommunications performants, concourent à renforcer l’attractivité et la compétitivité des grandes agglomérations dans les régions de l’intérieur.

la suite après cette publicité

Une politique de la ville renouvelée
Cela n’exclut en rien la métropolisation envisagée : revoir l’organisation des grands centres urbains – Alger, Oran, Annaba et Constantine -, créer des villes nouvelles (voir pp. 78-79), les unes pour être des pôles de compétitivité et d’excellence, comme Sidi Abdallah ou Bouinan, dans la banlieue d’Alger, et d’autres entrant dans le cadre du rééquilibrage territorial, conçues comme des pôles d’activités, de services et de (re)peuplement, à l’image du projet de Boughezoul. La nouvelle ville de Hassi Messaoud (voir p. 79) est un cas à part, qui vise à répondre à un problème écologique doublé de risques industriels liés à la proximité de sites d’exploitation pétrolière.
Les services de la présidence de la République sont en train de préparer un nouveau programme quinquennal (2010-2014) d’investissements. Oran, capitale de l’Ouest et deuxième ville du pays, devrait bénéficier d’un plan spécial de développement. Pourquoi ? Elle doit abriter, en 2010, un sommet mondial de l’énergie : nouvelle infra­structure aéroportuaire, extension du réseau routier, réhabilitation du bâti ancien et augmentation des capacités hôtelières, téléphérique pour désenclaver la basilique de Santa-Cruz, qui domine majestueusement la corniche oranaise, et réaménagement de l’espace urbain.
Les villes du Grand Sud devraient également bénéficier de la politique de « développement harmonieux du territoire et des infrastructures de base », qui sera poursuivie au cours des cinq prochaines années. Ouargla, Ghardaïa et Adrar sont particulièrement gâtés, avec un ambitieux programme d’investissement dont l’objectif est de les mettre à niveau avec les métropoles du nord du pays. Autre priorité inscrite dans la politique de la ville : l’éradication des 500 000 bidonvilles (qui représentent 10 % du parc national, estimé à 5 millions de logements) et la lutte contre le phénomène des constructions inachevées, deux fléaux qui contribuent à enlaidir les centres urbains.
Malgré ces efforts, les chiffres vertigineux des investissements consentis et la bonne volonté de ses gouvernants, il reste à l’Algérie un long chemin à parcourir avant de réussir son pari de développement économique. Mais elle y va avec beaucoup de détermination.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires