Les frères ennemis se réconcilient

Mouammar Kadhafi a profité de sa récente visite à Lomé pour arrondir les angles entre le chef de l’État, Faure Gnassingbé, et Kpatcha, son cadet.

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

On croyait la rupture consommée. Mais, à l’occasion de sa visite à Lomé du 13 au 15 juin dernier, le « Guide » libyen Mouammar Kadhafi a joué les médiateurs entre les deux frères ennemis du clan Eyadéma, ceux-ci affichant leur complicité retrouvée devant l’objectif des photographes. En est-on pour autant revenu à la relation qu’ils entretenaient pendant la période trouble qui a suivi le décès de leur père ? Rien n’est moins sûr. L’objectif commun était alors de maintenir au pouvoir le Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti fondé par Gnassingbé Eyadéma, décédé le 5 février 2005. L’un contrôlait l’armée tandis que l’autre s’apprêtait à briguer la présidence de la République.
Une fois cet objectif atteint, des divergences sont vite apparues. D’abord une opposition de style distingue les deux hommes. Véritable clone de son père, Kpatcha Gnassingbé, 40 ans, se veut un leader charismatique et populaire. Rustique à la manière d’un chef africain, il plaît aux officiers de l’armée nostalgiques des méthodes du général Eyadéma et aux notabilités traditionnelles. Tandis que, à la tête de l’État, son frère, cultivant un goût certain pour la discrétion, affiche un tempérament aux antipodes de celui de son père. Mais c’est surtout son obsession de l’apaisement et du compromis qui irrite les caciques de l’ancien parti unique. Ces derniers le soupçonnent de vouloir du passé faire table rase pour gouverner avec les quadras qu’il place progressivement dans les rouages de l’État.
Brouillé, le tandem le plus représentatif de la nombreuse fratrie paraissait ne plus pouvoir « s’encadrer ». En février dernier, l’absence de Kpatcha aux cérémonies de célébration du troisième anniversaire du décès du « Père de la nation » avait été particulièrement remarquée. Une absence justifiée par le fait que, deux mois plus tôt, le chef de l’État l’avait limogé du gouvernement, au sein duquel il occupait le poste de ministre de la Défense. Depuis, ce département stratégique est directement rattaché à la présidence.
Cependant, s’il a fait profil bas depuis lors, le bouillonnant Kpatcha est loin d’avoir renoncé à tout rôle politique au Togo. Sitôt écarté du gouvernement, il a écrit le 12 février au président de l’Assemblée nationale pour reprendre son siège de député de Kozah, qu’il avait renoncé à occuper pour cause d’incompatibilité. Saisi à son tour, le Conseil constitutionnel l’a autorisé à reprendre de plein droit son siège, non sans avoir pris acte de sa démission de la direction générale de la Société d’administration des zones franches (Sazof) et de la présidence du conseil d’administration de la Société togolaise de coton (Sotoco). Soit deux sources de revenus en moins pour ce tribun qui ne rechigne pas à distribuer des billets de banque.

Ancien « bis-président »
Au pilonnage d’une guerre totale, l’aîné des frères a préféré un coup de semonce qui a permis de clarifier les rôles. À la tête du Togo, il n’y a de la place que pour un seul Gnassingbé. Fort de son statut de chef de l’État et de ses relations avec ses pairs de l’Afrique francophone, Faure avait plus d’un atout dans son jeu. Son jeune frère l’a compris et est manifestement rentré dans le rang. Ainsi, lors de son passage au Togo, le « Guide » libyen a, lui aussi, prêché les vertus de l’entente fraternelle, se faisant l’écho d’autres médiations de personnalités politiques et religieuses intervenues en ce sens avant lui. La perspective de voir l’ancien « bis-président » Kpatcha et le président Faure Gnassingbé croiser le fer pour se disputer l’héritage d’Eyadéma n’augurait rien de bon pour l’avenir du pays. Finalement, le clash tant redouté n’a pas eu lieu.

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