Le réveil du rail

Ponctualité, confort, rapidité… Après des décennies de léthargie, les chemins de fer algériens se modernisent à grande vitesse. De quoi donner aux usagers l’envie de remonter dans le train ?

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 4 minutes.

Délaissé par des voyageurs excédés par les sempiternels retards, le peu de confort et l’absence de sécurité, le rail algérien renaît à la faveur du programme mis en place depuis 2005 par les autorités. Jusqu’alors parents pauvres du secteur et dotés d’un réseau dont l’essentiel datait de la colonisation française, les chemins de fer concentrent désormais le plus gros budget de la politique nationale des transports.
Électrification progressive du réseau, construction de nouvelles lignes, réfection des voies, modernisation du parc, nouvelle politique tarifaire et nouvelle politique de communication en direction des usagersÂÂ la Société nationale du transport ferroviaire (SNTF) met tout en ÂÂuvre pour redonner aux Algériens l’envie de prendre le train. Son objectif : transporter plus de 80 millions de voyageurs par an en 2012 et 120 millions en 2015, contre 30 millions actuellement. Il s’agit aussi d’augmenter les parts de marché en matière de fret, 90 % à 95 % du transport de marchandises s’effectuant encore par la route.
La tâche est immense, mais les moyens ne manquent pas. « À l’horizon 2025, quelque 20 milliards de dollars seront mobilisés pour la réalisation des ouvrages, dont certains sont très importants, indiquait l’ancien ministre des Transports, Mohamed Maghlaoui, en avril dernier. Une mission de longue haleine puisque l’électrification de tout le réseau prendra entre quinze et vingt ans. » Plus de 80 % des territoires à forte densité de population sont couverts par le plan de développement 2005-2025. Et cette enveloppe de 20 milliards de dollars supplémentaires déjà allouée au titre du plan quinquennal 2005-2009 permettra de doubler l’étendue du réseau pour le porter à 6 000 km de voies modernes et électrifiées, avec une extension vers les Hauts-Plateaux et le Sud.
Grâce à la manne pétrolière et à la croissante réserve en devises qu’elle engendre (quelque 120 milliards de dollars actuellement), les autorités ont décidé de faire les investissements nécessaires pour que ce programme soit réalisé dans les délais, en se donnant les moyens de faire appel à l’expertise de grands groupes étrangers. Fin décembre 2007, le leader français de l’électronique professionnelle Thales a ainsi décroché un contrat de 268,5 millions d’euros pour la modernisation de lignes ferroviaires dans le nord du pays. Attribué par l’Agence nationale d’études et de suivi de la réalisation des investissements ferroviaires (Anesrif), le marché porte sur la rénovation de la signalisation de trois tronçons de la rocade Nord qui traverse le pays d’est en ouest, reliant notamment les villes d’Oran, Alger, Constantine et Chlef, sur une distance totale de 440 km.

Les vieux wagons à la retraite
Les pétrodollars permettent également d’acheter les équipements qui faisaient défaut. Ou qui frôlaient les quarante ans d’âgeÂÂ Pour équiper le réseau de la grande banlieue algéroise, la SNTF a ainsi acquis 17 autorails flambant neufs auprès du constructeur espagnol CAF, pour un montant de 102 millions d’euros. Livrés le mois dernier, les premiers commencent à être exploités et les autres seront progressivement mis en service d’ici à la fin de l’année. Trente locomotives électriques d’une puissance de 3 500 chevaux ont été achetées au Canada, pour 82 millions d’euros, auprès de General Motors : 14 pour la traction des voitures voyageurs sur les lignes à grande vitesse (LGV, à 160 km/h) et 16 à motorisation diesel pour le transport de fret. La moitié ont déjà été livrées l’an dernier.
Mais que serait un nouveau plan de modernisation sans l’amélioration des prestations de services que les usagers algériens qualifient, non sans raison, de désastreuses ? À la STNF, on admet qu’il reste beaucoup à faire. La reconquête des voyageurs qui ont délaissé le train au profit de la voiture ou du bus passe par plusieurs volets d’actions visant : la réduction des temps de trajet, l’amélioration des services (en termes de ponctualité, de dessertes, de correspondances, d’information), ainsi que la lutte contre les actes de vandalisme. Et force est de constater que le programme mis en place commence à porter ses fruits.

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100 % d’abonnés en plus
Depuis février 2008, le temps de trajet Alger-Oran, l’une des lignes les plus fréquentées, a été ramené de 6 à 4 heures, avec des pointes à 160 km/h. « Nous voulons améliorer la prestation de services sur cette ligne grâce à l’apport des nouvelles locomotives acquises auprès de General Motors », explique Ali Leulmi, directeur général adjoint de la SNTF. Et l’entreprise ne compte pas s’arrêter là. À l’horizon 2012, « notre objectif est de réduire le temps de parcours à 3 h 30 entre la capitale et Oran », poursuit Ali Leulmi. Comment y parvenir ? La SNTF envisage de doubler les voies et d’électrifier les lignes pour permettre aux trains de rouler à une vitesse de 160 km/h sur la majorité du parcours. « Les travaux de doublement sont en cours et l’électrification sera lancée cette année, confirme Ali Leulmi. La ligne sera dotée de moyens de communication et de télécommunication ultramodernes. » Et d’autres seront équipées dans la foulée : la durée du trajet Alger-Constantine sera elle aussi ramenée de 6 à 4 heures et celle d’Alger à Annaba de 8 heures à 5 h 30.
Aménagement des horaires, nouveaux omnibus pour les correspondances, amélioration du confort intérieur des wagons, renforcement des brigades de contrôle, mise en place d’un système de réservation via Internet : la stratégie de reconquête opère sur tous les fronts et semble séduire de plus en plus d’usagers. Depuis l’an dernier, la fréquentation des trains est en constante augmentation et la SNTF a enregistré une hausse de 100 % du nombre des abonnés sur les lignes de la banlieue d’Alger.
Autre chantier ouvert : le renforcement des mesures de sécurité, de contrôle et de surveillance des infrastructures. Il faut dire que l’incivilité de certains a fini par provoquer des dégâts et des pertes considérables pour le parc de la STNF, à tel point que les actes de sabotage et de malveillance risquent d’hypothéquer le programme de relance du rail. Destruction de matériels, dégradation des wagons, vols de pièces et autres câbles de cuivreÂÂ pour faire face à ces fléaux, l’entreprise envisage la création d’une filiale de surveillance et de protection du patrimoine ferroviaire. Installation de caméras de surveillance dans les gares, aggravation des sanctions pénales encourues par les délinquants, ce plan devrait aussi s’accompagner de campagnes de sensibilisation auprès des usagers.

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