Maroc : le Hirak et les Printemps arabes décortiqués par le think tank de l’OCP

Les Printemps arabes sont au cœur de la dernière publication de l’OCP Policy Center. Le think tank lié à l’entreprise publique des phosphates du Maroc n’élude pas les récentes manifestations du Nord du pays.

Manifestation le 8 juillet 2018 à Casablanca en soutien aux meneurs du « Hirak ». © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Manifestation le 8 juillet 2018 à Casablanca en soutien aux meneurs du « Hirak ». © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

CRETOIS Jules

Publié le 12 juillet 2018 Lecture : 4 minutes.

Le sujet est brûlant. Alors que les meneurs du mouvement Hirak ont été condamnés, fin juin, et que le procès continue d’être dénoncé par les foules, l’OCP Policy Center vient de publier, début juillet, un ouvrage disponible en ligne  sur ce mouvement contestataire, et plus généralement sur les Printemps arabes.

Habitué aux thématiques plus arides, l’OCP Policy Center se penche pour la première fois sur ces mouvements de contestation. Le think tank publie un pavé en français : Mutations politiques comparées au Maghreb et au Machrek, sept ans après le Printemps arabe, sous la direction d’Abdellah Saaf,  professeur à la faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat – un des grands noms de la vie intellectuelle de gauche. La plupart des auteurs sont des chercheurs marocains. 

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Le Rif et le 20 Février à la loupe

Entre la Libye, la Syrie ou l’Arabie saoudite, un chapitre entier – en anglais – se propose de saisir le récent mouvement de colère qui a secoué le Rif et la ville d’Al Hoceïma. Dans cette étude, Nassim Hajouji, revient sur les différentes dynamiques du Hirak.

S’il respecte des formules d’usage, comme « Sa Majesté le Roi Mohammed VI », l’auteur n’en reste pas moins critique et souligne par exemple « la défiance historique entre le Rif et le Makhzen ». Il assure également que les très faibles taux de participation aux différents scrutins dans la région ne seraient pas une preuve du désintérêt ou d’une apathie des populations, mais au contraire, le signe d’une demande de renouveau politique profond.

Avec le Mouvement du 20 Février, de nouveaux acteurs imposent des formes d’action plus informelles et mêlent les revendications politiques et sociales

Mohamed Naimi, chercheur à Rabat, revient quant à lui sur les suites et l’héritage du « M20F », le Mouvement du 20 Février, contestation d’opposition qui a rythmé l’année 2011 au Maroc. Selon lui, cette mobilisation est venue marquer la quasi-disparition des intermédiaires traditionnels : syndicats historiques et partis en tête.

Avec ce mouvement de 2011, de nouveaux acteurs imposent des formes d’action plus informelles et mêlent les revendications politiques et sociales. Le Hirak est, à en croire Naimi, une suite logique du 20 Février, de part ses exigences plurielles et indistinctes et l’absence de très nombreux acteurs politiques. En 2011, si des manifestations pouvaient avoir lieu aux même dates à l’échelle nationale, les mobilisations avaient toutefois un caractère local prononcé, remarque encore le chercheur. Un écho de plus entre le Hirak et les événements de l’année 2011.

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Les auteurs de ces différents textes concernant le Maroc semblent se rejoindre sur une idée : si depuis 2011, une culture de la contestation a bien gagné le royaume, l’opposition politique ne semble pas pour autant structurée et unie.

Outil de soft power marocain

La fondation OCP a démarré ses activités en 2011 et a commencé à financer l’OCP Policy Center. Aujourd’hui sous la houlette du docteur en économie Karim El Aynaoui, il est intrinsèquement lié à l’Office chérifien des phosphates (OCP), dirigé par Mostafa Terrab, qui se trouve être un contributeur important du PIB marocain mais aussi un exportateur et un investisseur majeur du royaume, contrôlé par l’État et dont dépend la Fondation. Cela n’empêcherait en rien une réelle indépendance du think tank, d’après son service communication.

De nombreux stagiaires de l’OCP Policy Center proviennent de l’École de gouvernance et d’économie de Rabat

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Loin de son activité première, à la croisée des chemins entre recherche et éducation, l’entreprise publique participe en fait à un soft power marocain sur le continent africain. Parmi la trentaine de chercheurs du centre, on retrouve des figures connues, y compris du monde politique, comme Fathallah Oualalou, économiste plusieurs fois ministre, figure du parti de gauche l’USFP et ancien édile de Rabat. De nombreux stagiaires proviennent par ailleurs de l’École de gouvernance et d’économie de la capitale, institution de l’enseignement supérieur intégrée à l’Université Mohammed VI Polytechnique. Cette dernière, elle-même financée par l’OCP, tâche régulièrement de renforcer sa crédibilité en accueillant des personnalités telles que Jean-François Bayart, son directeur de la chaire d’études africaines comparées.

Ouverture vers l’Afrique

Le nouvel angle d’attaque de l’OCP Policy Center est clair, en accord avec la politique diplomatique du royaume : aborder les relations internationales avec un prisme favorable à l’intégration régionale africaine et au développement Sud-Sud. De fait, la vie économique africaine occupe désormais beaucoup ses chercheurs qui se penchent particulièrement sur des régions au final peu étudiées dans les universités et instituts de recherche marocains, Afrique australe en tête.

Sur le site, les papiers les plus lus ont des titres éloquents : « Relations Maroc-Afrique subsaharienne : quel bilan pour les quinze dernières années », et surtout : « Relations entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, quels potentiels pour le commerce et les investissements directs étrangers » ? Tout un programme…

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