La chute de la maison Clinton

Bill, qui a multiplié les bourdes pendant la campagne, est pris sous un feu roulant de critiques, tandis que Hillary s’interroge fébrilement : comment rebondir en 2012 ? L’« aigle à deux têtes » a perdu de sa superbe !

Publié le 30 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Elle avait toutes les cartes en main. Il y a six mois, rien ne paraissait pouvoir empêcher Hillary Clinton, forte de son expérience, de ses réseaux, de sa pugnacité hors norme et du soutien de son illustre conjoint, de décrocher l’investiture du Parti démocrate pour l’élection présidentielle du mois de novembre. Au terme d’un combat âpre et tendu, on sait ce qui est advenu. Balayée par un ouragan nommé Barack Obama, la maison Clinton est en ruine. Peut-elle être relevée ?
C’est Bill qui, par ses maladresses, a le plus contribué à plomber la campagne de Hillary. Logiquement, il paie aujourd’hui le désastre au prix fort. Même s’il a renoncé à toute ambition exécutive, il se serait bien vu en « ambassadeur global » appelé à restaurer l’image de son pays et à resserrer à l’étranger quelques liens distendus par huit années d’unilatéralisme bushien. Manqué : c’est désormais Obama qui, dans le monde entier, symbolise « l’Amérique qu’on aime ».
Pendant la campagne, la violence et la grossièreté de ses attaques contre le sénateur de l’Illinois – auquel il n’a consenti à apporter son soutien, du bout des lèvres, que trois semaines après le verdict des urnes – ont fini par indisposer nombre d’électeurs et jusqu’à l’appareil du Parti démocrate, ces « superdélégués » dont la défection a scellé la défaite de son épouse. Surtout, Bill Clinton, que Toni Morrison, le Prix Nobel de littérature, qualifia un jour de « premier président noir », a réussi le tour de force de dilapider l’énorme crédit dont il disposait dans la communauté africaine-américaine. En multipliant les agressions indignes de son rang et de son intelligence, il n’a pas, comme certains l’en ont soupçonné, révélé un racisme jusque-là inavoué. Il s’est livré à une tortueuse manÂuvre politicienne consistant à susciter un réflexe de solidarité dans la minorité noire – au départ réservée à l’égard du candidat métis -, dans l’espoir d’effrayer la majorité blanche. En « noircissant » Obama, il a tenté de briser son image de rassembleur « transracial ». Résultat, il a perdu sur les deux tableaux.

Les bouches s’ouvrent
Désormais, le couple Clinton, cet « aigle à deux têtes », ne fait plus peur. Alors, les bouches s’ouvrent. Du New York Times à Vanity Fair, les articles fielleux se succèdent. On impute l’irascibilité de Bill, jadis si affable, au quadruple pontage coronarien qu’il a subi, il y a quatre ans On l’accuse d’avoir « disjoncté », de se complaire dans un monde de femmes faciles et de milliardaires peu scrupuleux, de confondre allègrement ses activités humanitaires et ses opérations commerciales On rappelle qu’il a, l’an dernier, déclaré au fisc 109 millions de dollars de revenus, alors qu’il avait quitté la Maison Blanche lourdement endetté On spécule sur une possible séparation d’avec son épouseÂ
Imperturbable, au moins en apparence, celle-ci, après s’être un peu fait prier, a fini par apporter son soutien à son rival victorieux. L’engagement pris par celui-ci d’éponger une partie de ses dettes de campagne (à hauteur de 10 millions de dollars) y a sans doute aidé. Hillary figurera-t-elle sur le « ticket » démocrate pour la Maison Blanche ? D’abord évoquée avec insistance, l’hypothèse ne semble plus d’actualité. Il est vrai qu’Obama serait bien imprudent d’introduire un couple de loups dans sa bergerie ! Le prétendu dream ticket censé refaire l’unité du Parti démocrate aurait pour lui toutes les allures d’un piège.
Constitutionnellement, le poste de vice-président « ne vaut pas un pet de lapin », comme disait le rustique John Garner, qui fut le numéro deux de l’administration Roosevelt. Mais Dick Cheney, son actuel titulaire, a démontré la relativité de ce jugement. Et puis, au cours de l’Histoire, quatorze vice-présidents ont quand même fini par accéder à la magistrature suprême. Nul doute que Hillary n’a pas renoncé à être la quinzième, en 2012 – cette femme-là ne renonce jamais. Mais le temps ne joue pas en sa faveur, Obama étant de quatorze ans son cadet. Qu’il réussisse un premier mandat honorable et elle pourra faire une croix définitive sur ses ambitions.
On parle aussi du secrétariat à la Santé ou de la présidence du Sénat, ce qui serait un pis-aller. Mais, à défaut de la vice-présidence, le cas de figure le plus favorable (pour elle) serait évidemment une victoire de John McCain et des républicains. Et ça, Barack Obama ne l’ignore pas.

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