Maroc-Tunisie : les cahiers scolaires de la discorde
Le 10 juillet, l’OMC a annoncé avoir reçu une plainte de la Tunisie, qui reproche à son voisin les mesures antidumping sur les cahiers scolaires provisoirement adoptées par Rabat en mai dernier.
En juin 2017, les Premiers ministres tunisien et marocain, Youssef Chahed et marocain Saadeddine El Othmani, s’engageaient à doubler leurs échanges commerciaux d’ici à 2020 pour atteindre 500 millions de dollars à cette date.
À peine un an plus tard, ces belles promesses commerciales semblent bien loin : le 10 juillet, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a annoncé avoir reçu une plainte de la Tunisie, qui impute à son voisin les mesures antidumping sur les cahiers scolaires provisoirement adoptées par Rabat en mai dernier.
Le Maroc reproche en effet à son voisin d’inonder le marché marocain, mettant en péril sa propre production nationale. « Le Maroc a une capacité installée de 26 000 tonnes, ce qui pourrait largement suffire à alimenter le marché local, qui est de l’ordre de 21 000 tonnes », explique Jalil Benddane, directeur général de la société Mapaf (22 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 40 % pour la production de cahiers) et président de l’Association des industriels marocains. Or, avec 7 000 tonnes, les industriels tunisiens représentent désormais le tiers de ce marché – et 87 % des importations totales de cahiers au Maroc.
« Pas de dumping » assure la Tunisie
Si ces chiffres sont confirmés côté tunisien, la convergence de points de vue s’arrête là. « Les Tunisiens vendent leur production à des prix très bas, sur lesquels nous sommes obligés de nous aligner, ce qui fait que nous vendons à perte », souligne Jalil Benddane, qui explique que neuf à dix sociétés marocaines exclusivement tournées vers la production de cahiers scolaires ont fermé leurs portes ces dernières années.
« Faux », rétorque l’Utica, la principale organisation patronale tunisienne, qui appuie les deux principaux acteurs du secteur, Sotefi et Sitpec, à l’encontre desquels le Maroc applique depuis le 11 mai dernier des mesures antidumping provisoires à hauteur de 51,06 % pour la première et 33,77 % pour la seconde.
Ces derniers ne décolèrent pas depuis cette date. D’autant que cette décision les a pris de court : quelques jours avant cette mesure, Rabat avait annoncé prolonger de six mois son enquête antidumping et avait invité les deux partis à une audition publique. « Cela nous semblait positif, nous pensions avoir réussi à les convaincre de l’absence de dumping de notre part. Les autorités marocaines nous avaient même demandé au lendemain de l’audition d’envoyer des documents complémentaires », explique à Jeune Afrique Moez Loukil, PDG de SOTEFI, qui confie avoir été « très étonné » d’apprendre l’application immédiate des taxes provisoires.
Deux mois de consultations
« La Tunisie n’a décidé de porter plainte auprès de l’OMC qu’en tout dernier recours, lorsque toutes nos tentatives de dialogue ont été rejetées par les autorités marocaines. Nous espérons cependant que nous n’irons pas jusqu’au contentieux. Ce serait très dommage d’en arriver là entre deux pays frères », déplore Moez Loukil. Suite à la saisine de la Tunisie, l’organisation internationale va en effet mettre en place une procédure de consultations d’une durée de deux mois, le processus juridictionnel ne devant se déclencher que si les deux parties ne trouvent pas de solution satisfaisante passé ce délai.
« Si les mesures provisoires adoptées par le Maroc ne sont pas définitivement validées, les cinq à six entreprises rescapées du secteur seront toutes obligées de fermer les unes après les autres », prévient de son côté Jalil Benddane, qui affiche sa confiance dans son ministère de tutelle.
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