Mondial 2018 : match nul, zéro partout

Figurez-vous que j’ai passé ces dernières semaines à consigner mes impressions sur le Mondial…

Le Nigérian Ahmed Musa à la lutte avec le Français Laurent Koscielny pendant le Mondial 2014 au Brésil. © Ricardo Mazalan/AP/SIPA

Le Nigérian Ahmed Musa à la lutte avec le Français Laurent Koscielny pendant le Mondial 2014 au Brésil. © Ricardo Mazalan/AP/SIPA

Fawzia Zouria

Publié le 15 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.

Fallait bien que j’entre dans le jeu et évite d’être éliminée de l’Actualité suprême du moment. Voici quelques notes :

Focus sur les tribunes. Qu’est-ce qu’on voit défiler comme peuples et tribus dans les stades ! Des bridés, des velus, des petits, des blonds comme les blés. Supporters en habits traditionnels, affublés de cornes, de masques et de toute la panoplie des ancêtres. Le foot, ça souligne tellement l’appartenance identitaire !

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J’ai regardé les femmes dans ces mêmes tribunes. Habillées et maquillées comme si elles allaient au bal. Mais alors, ce qui m’a fait le plus plaisir, c’est de voir les Iraniennes sans voile. Cette fois, les mollahs n’ont pas eu la tête à protester, ils avaient les yeux sur les pieds de leurs joueurs. Faut assigner ce genre de pays voileurs au foot à perpétuité.

M. Maaloul a encouragé ses joueurs au jeûne, leur a fait lire la Fatiha dans le vestiaire et les a poussés aux génuflexions

Ce sont paradoxalement les Tunisiens qui ont joué aux vierges prudes, certains internautes fulminant contre leurs compatriotes en décolleté. Mais bon, on sait qui il y a derrière. Au lieu de s’occuper de la crise locale, de la corruption qui sévit et des recrues du terrorisme, les bigots n’ont d’yeux que pour les centimètres carrés de poitrine féminine découverte et sont les mêmes, je parie, qui ont poussé le sélectionneur de l’équipe tunisienne à s’improviser imam au lieu de tenir son rôle de coach.

D’aucuns ont compris que leurs prières n’ont servi à rien

M. Maaloul a encouragé ses joueurs au jeûne, leur a fait lire la Fatiha dans le vestiaire et les a poussés aux génuflexions plutôt que de leur apprendre à cadrer leurs tirs. On l’aurait laissé faire qu’il aurait entonné la prière sur la pelouse et brandi l’épée au stade, contre l’infidèle ! Le problème, c’est que l’infidèle en question a gagné la partie.

Sur ce point, tout le monde l’a dit, je ne vais pas le répéter, les Arabo-musulmans, ça a été la cata, et d’aucuns ont compris que leurs prières n’ont servi à rien, même pas à tromper la vigilance de l’arbitre suprême, Dieu, qui connaît leurs simagrées depuis le temps.

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Je me suis tournée vers l’Afrique subsaharienne, constatant à quel point je suis fille du continent. J’ai encouragé les Sénégalais et les Nigérians, l’avenir est de ce côté, les enfants, même si rien ne le laisse augurer pour l’instant…

Il me fallait à tout prix un motif pour continuer à meubler mes après-midi et à crier comme tout le monde

À défaut d’encourager les miens, qui ont vite regagné les vestiaires de l’Histoire, je me suis mise à chercher d’autres équipes à supporter. L’hémisphère Nord m’a laissée de marbre et l’Amérique latine, franchement, à part ses écrivains, je n’y connais pas grand-chose.

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Mais, comme il me fallait à tout prix un motif pour continuer à meubler mes après-midi et à crier comme tout le monde, je me suis obligée à trouver des critères de ralliement à telle ou telle sélection. Ainsi me suis-je positionnée pour les Allemands en raison de leur sérieux au travail, contre les Polonais parce qu’ils ont beaucoup tergiversé sur le droit à l’avortement, pour les Suédois parce qu’ils sont beaux, contre les Serbes à cause de la guerre, pour les Japonais parce qu’ils ne m’ont rien fait, contre les Panaméens chez qui je n’irai jamais, pour le Costa Rica, petit champion de la lutte écologique, contre les Portugais parce que mon plombier m’a volé sur la dernière facture.

Secouez l’homme dans un stade, il redevient un animal

J’avoue qu’à la fin je ne savais plus qui je soutenais contre qui.

J’ai décidé d’abandonner les équipes pour me concentrer sur les expressions physiques des joueurs et publics confondus. Soudain, les frontières sont tombées et les civilisations ont disparu. À chaque but marqué, j’ai vu s’ouvrir des gueules de monstres, saillir des veines semblables à des troncs d’arbre et des gorges émettre des hurlements de bêtes sauvages. J’en ai conclu que le foot, ça nous rend à notre condition première. Secouez l’homme dans un stade, il redevient un animal. Tous à égalité. Zéro partout.

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