[Tribune] Politique agricole : haro sur les céréales !
Sur la base des « perspectives agricoles 2018-2027 » publiées par la FAO et l’OCDE début juillet, les pays du Maghreb devraient cesser d’accorder la priorité aux céréales, ce qui permettrait des améliorations pour les comptes publics, les agriculteurs, la planète et la santé publique.
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 20 juillet 2018 Lecture : 2 minutes.
En matière d’alimentation et de politique agricole, les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Mauritanie, Tunisie) font fausse route, si l’on en croit le rapport publié le 3 juillet par la FAO et l’OCDE sur les « perspectives agricoles 2018-2027 » de la région ainsi que du Moyen-Orient.
Leurs populations étant grandes consommatrices de céréales (200 kg par personne et par an, soit 60 kg de plus que la moyenne mondiale), ils subventionnent massivement leurs agriculteurs pour qu’ils en produisent davantage.
Les gouvernements sont obligés de recourir de plus en plus aux importations de céréales
Malheureusement, cela ne marche pas. La région « compte parmi les plus pauvres en eau et en terres (seulement 5 % de superficie arable) de la planète », note le rapport. Les céréales occupent 60 % des surfaces récoltées, mais représentent à peine 15 % de la valeur agricole produite.
Les gouvernements sont obligés de recourir de plus en plus aux importations de céréales. Le bilan de cette priorité aux céréales est désastreux : déficits commerciaux qui assèchent les réserves en devises, subventions qui grèvent les budgets, épuisement des ressources en eaux vives ou fossiles, dégradation des sols inadaptés dans plus de la moitié des cas à la culture des céréales, faible productivité et pauvreté persistante des agriculteurs.
D’ici à la fin du siècle, la production agricole totale de la région pourrait se contracter de 21 % par rapport à l’an 2000
>>> À lire – Céréales : consommer local, mission impossible ?
Le rapport tire d’autant plus la sonnette d’alarme que, « d’ici à la fin du siècle, la production agricole totale de la région pourrait se contracter de 21 % par rapport à l’an 2000 » pour cause de réchauffement climatique. Il propose de privilégier désormais les produits horticoles (fruits et légumes) à plus forte valeur ajoutée, compétitifs, exportables et mieux adaptés aux petites exploitations familiales.
« Les fruits et légumes consomment moins d’eau et offrent une meilleure rentabilité par volume d’eau, et de nombreux pays (notamment le Maroc et la Tunisie) possèdent un avantage comparatif dans la production de ces aliments, écrivent les auteurs du rapport. Ces cultures à plus forte valeur ajoutée et les produits d’élevage pourraient accroître les revenus des agriculteurs, améliorer la nutrition et utiliser l’eau avec plus de parcimonie, mais ils nécessitent des connaissances plus pointues en agronomie et à propos des marchés d’exportation et présentent davantage de risques. »
Le rapport ajoute qu’une modification des habitudes alimentaires serait bienvenue. Un « régime sain » élaboré par la FAO et l’OMS suppose de diminuer de moitié la consommation de céréales, de réduire le sucre et l’huile végétale, mais de doubler la consommation de viande et d’œufs et de tripler celle de produits laitiers.
Tout le monde y gagnerait : les comptes publics, les agriculteurs, la planète et la santé publique, puisque cela permettrait de stopper la forte poussée d’obésité constatée dans la région. Une tâche de longue haleine.
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