[Tribune] Wapp : un marché électrique ouest-africain prometteur
Construction de 16 000 km de lignes de transport d’électricité pour connecter les pays partenaires, de centrales à énergie renouvelable d’une capacité de 7 892 MW, de centrales thermiques d’une capacité de 2 375 MW…
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Sidy Diop
Sidy Diop est directeur au sein du département Economic Advisory de Deloitte France. Il est notamment responsable des missions d’analyse économique en Afrique.
Publié le 19 juillet 2018 Lecture : 3 minutes.
Plus de 26,4 milliards de dollars (22,5 milliards d’euros) d’investissements sont nécessaires à la mise en œuvre du marché électrique régional ouest-africain, le West African Power Pool (Wapp), dont le lancement officiel a eu lieu le 27 juin – près de trente ans après les premières initiatives régionales européennes.
Toutefois, la construction du Wapp et celle des marchés régionaux européens suivent des logiques différentes : si en Europe l’objectif est d’améliorer l’efficacité à court terme, en Afrique de l’Ouest le but est d’améliorer l’efficacité à long terme en se fondant sur les échanges entre zones déficitaires et excédentaires, et même d’ici à quelques années de créer une Bourse de l’électricité.
Avec une économie potentielle de 8 milliards de dollars par an pour les pays de la région, l’intégration des marchés électriques pourrait être l’occasion de redonner du souffle à un secteur en crise. Entre baisse des coûts, augmentation de la production d’électricité et limitation des émissions de CO2 , l’Afrique de l’Ouest a l’occasion de changer la donne si la construction du Wapp se fait de façon efficace.
Le coût de production d’électricité dans la région est élevé, il varie entre 0,14 et 0,66 dollar le kilowattheure selon les pays. Ces coûts élevés ont deux raisons principales : la prépondérance du pétrole dans les systèmes électriques et la faible exploitation des économies d’échelle.
Le Wapp est l’occasion d’augmenter les débouchés des producteurs d’électricité
En moyenne, 30 % de la production d’électricité en Afrique repose sur le pétrole. Or le coût moyen du service électrique est deux fois plus important lorsqu’il s’agit de pays avec un mix énergétique favorable au fioul. Avec le Wapp, ce coût moyen pour l’Afrique de l’Ouest a des chances de baisser.
Des pays comme le Mali ou le Burkina devraient moins produire d’électricité (à base de fioul) et importer de l’électricité moins chère de pays voisins produite à partir de ressources hydrauliques ou gazières. En outre, la réalisation d’économies d’échelle dans la production d’électricité est freinée par la faible taille des marchés nationaux. Le Wapp est l’occasion d’augmenter les débouchés des producteurs d’électricité.
>>> À lire – Dossier électricité : le Nigeria face à l’échec de la privatisation du secteur
L’autre effet positif pourrait être d’augmenter la production d’électricité en limitant les émissions de CO2 . Le plan directeur du Wapp prévoit un budget de près de 15 milliards de dollars pour la construction de centrales à énergie renouvelable. Ensuite, la mise en commun des ressources électriques permettrait d’augmenter l’électricité disponible dans les pays déficitaires. L’utilisation de groupes électrogènes pourra dès lors baisser et permettre ainsi de modérer la hausse des émissions de CO2 .
Dépendre de l’électricité produite par un pays voisin est perçu par certains comme une atteinte à la souveraineté nationale
L’expérience européenne révèle que deux éléments permettent de faciliter la création d’un marché régional. Le premier est l’accès des tiers au réseau. Un principe selon lequel tout nouvel opérateur a la possibilité d’acheminer de l’énergie via le réseau de transport d’électricité à un tarif identique. Le deuxième élément est l’ouverture à la concurrence des segments production et distribution d’électricité. Or nombre de pays de la sous-région conservent encore l’organisation en monopole verticalement intégré. Les concepteurs du Wapp devront donc faire face à l’hétérogénéité des dispositifs d’ouverture à la concurrence.
En Europe, le marché régional a été mis en place pour permettre aux pays membres, couvrant déjà leurs besoins par leur système national, d’arbitrer les prix. Pour les pays du Wapp, le marché régional permet aux pays déficitaires comme le Burkina Faso d’importer de l’électricité de pays excédentaires comme la Côte d’Ivoire. Il est possible dans ce cadre que l’intérêt régional ne soit pas en cohérence avec les préférences nationales. Dépendre de l’électricité produite par un pays voisin est perçu par certains comme une atteinte à la souveraineté nationale. Bonne entente et coopération seront une condition nécessaire à la mise en œuvre efficace du marché régional d’électricité en Afrique de l’Ouest.
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