Stanislas Spero Adotevi

Aujourd’hui à la retraite après une brillante carrière dans les secteurs de la culture et du développement, ce philosophe d’origine béninoise n’a eu de cesse de dénoncer le concept de négritude.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Négritude et Négrologues. C’est par ce pamphlet, publié par l’Union générale d’éditions, que le Béninois Stanislas Spero Adotevi fait son entrée dans le champ littéraire africain en 1972. Une attaque frontale contre une idéologie qui fait alors florès à Paris et en Afrique.
Serein, Stanislas Adotevi reprend plus de trente ans plus tard la genèse de ce qui fut considéré comme la plus ingrate des gifles aux pères. Ses dards, il les dirige essentiellement contre Léopold Sédar Senghor, théoricien du concept et qui, selon lui, a confiné la négritude aux valeurs de l’instinct, de l’énergie créatrice, au détriment de la pensée. « Senghor nous réduisait à l’état d’êtres émotifs dotés du simple don des rythmes. C’était un inconditionnel d’une France qui n’a proposé aux Africains que le noeud coulant de l’assimilationnisme ! »
Selon l’écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, qui a préfacé la seconde édition de Négritude et Négrologues (Le Castor Astral, 1998), le livre est né à Alger en 1969. À la Cité des Pins où se tenait le premier Festival culturel africain. « Impatient et imprudent », c’est lui, Lopes, qui ouvre les hostilités en s’attaquant à la négritude. « Au moment où je regagnais ma place, écrit-il, Stan Adotevi m’a dit : « Tu as eu raison de jeter le pavé dans la mare, je vais te suivre. » Il sortit de la salle, s’enferma dans sa chambre d’hôtel et, quand vint son tour de s’exprimer, il ne me suivit pas, il me dépassa. »
Après avoir été ministre de l’Information du Bénin en 1963 puis celui de la Culture et de la Jeunesse de 1965 à 1968, Adotevi enseigne un temps la philosophie et l’anthropologie à l’université Paris-VII. Il quitte Paris lorsque son ami sénégalais Cheikh Hamidou Kane, auteur de L’Aventure ambiguë, l’invite à le rejoindre au Centre de recherche pour le développement international (CRDI) qu’il préside à Dakar, au Sénégal. Il en sera le directeur régional de 1974 à 1980. Directeur de l’Université des mutants de Gorée, de 1979 à 1981, il intègre l’Unicef à la même date. Il sera pendant dix-huit ans le représentant de l’organisation au Burkina Faso.
À 71 ans, et à la retraite depuis 1998, Stanislas Adotevi réside toujours à Ouagadougou. Il se lève tous les jours à 6 heures du matin et fait des exercices physiques jusqu’à 8 h 30. Ensuite seulement, il s’installe dans sa gigantesque bibliothèque qui recèle dans ses rayons autant de livres en allemand, grec, latin qu’en français. Là, il rédige articles et réflexions sur l’éducation et la philosophie pour des revues spécialisées.
Ce grand cinéphile, qui dit profiter du Fespaco pour voir les films qui ne lui seraient jamais donnés à voir dans sa brousse africaine, mène plusieurs écrits de front. Dans un livre qui pourrait s’intituler « Pour demain », il consigne ses réflexions sur les années passées au CRDI et à l’Unicef. Un tableau qui risque de surprendre. S’il se félicite des progrès démocratiques sur le continent, il reste préoccupé par « cette Afrique qui patauge, manque d’hôpitaux, d’écoles… conduisant ainsi ses fils sur de téméraires chemins d’exil ». Avec l’astronaute malien Cheikh Modibo Diarra, il travaille à l’ouverture d’un centre de soutien aux jeunes. Ce sera le Forum africain de Ouagadougou. Enfin, n’ayant pas fini de décortiquer Senghor (ou de régler ses comptes avec lui ?), il met la dernière main à Senghor, au-delà des mots.
L’auteur de N’Krumah ou le rêve éveillé (Présence africaine, n° 85, 1973) et de Culture et regroupement régional (CRDI, 1997) dit rêver d’une fédération entre son pays, le Bénin, et le Burkina. Ces États, dit-il, ont beaucoup à partager.

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