Soif de justice

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Les Maliens n’aiment pas les voleurs. Dernier exemple en date : le 12 mai, une foule en colère a lynché un malandrin qui avait « dépouillé » un boutiquier de Béléco au nord-est de Bamako avant de tenter de prendre la fuite. Les habitants sont allés jusqu’à le déloger des locaux de la mairie où il se trouvait gardé par les forces de l’ordre. Ces actions spectaculaires relèvent moins aujourd’hui d’une quelconque forme de justice traditionnelle – qui faisait autrefois l’objet d’une concertation – que de manifestations spontanées d’une population qui veut empêcher la répétition des délits les plus fréquents et qui ne croit plus à l’application de la loi. Le phénomène n’est pas nouveau puisque le Mali s’est rendu célèbre dans les années 1990 par son « article 320 » (300 F CFA le litre d’essence et 20 F CFA la boîte d’allumettes) qui consiste à enflammer les larrons pris la main dans le sac.
Si le peuple se venge sur les malfrats de petite condition, c’est qu’il ne peut pas s’en prendre aux grands bandits de la République. Mais, à y regarder de plus près, les populations préféreraient certainement tordre le cou aux agents publics qui dilapident les caisses de la nation. « Aujourd’hui, on ne peut plus accepter que les directeurs de service, les cadres moyens de l’État s’enrichissent de façon illicite et en toute impunité, l’argent du contribuable ne doit plus servir à payer des maisons, des voitures et bijoux aux jeunes filles de la capitale. » Cette remarque d’un internaute glanée sur un forum de discussions malien traduit un malaise assez général. Et la volonté de voir appliquer le droit commun à tous.

Le président Amadou Toumani Touré, comme son prédécesseur Alpha Oumar Konaré, semble avoir entendu ces aspirations. Au cours des trois années qu’il vient de passer à la tête du pays, le chef de l’État a engagé une véritable croisade contre la corruption et la délinquance financière. Elle se concrétise par l’interpellation, l’arrestation et l’incarcération de plusieurs cadres présumés coupables d’une criminalité à col blanc. Le dernier « gros poisson » à s’être fait prendre dans les mailles du filet n’est autre que le PDG de la Compagnie malienne de développement du textile (CMDT). Depuis le mois de février dernier, Mahamar Oumar Maïga est poursuivi par la justice avec sept de ses collaborateurs. Pour assainir les pratiques, le président vient également de créer une série d’organes chargés de veiller à la bonne gestion des deniers publics, particulièrement le bureau du vérificateur général, et de donner instruction pour qu’on « systématise » les contrôles et les inspections.
Les actions en cours suffiront-elles à apaiser le vaillant et stoïque peuple malien ? Pas si sûr. Beaucoup se demandent encore comment les nouveaux milliardaires bamakois font construire leurs châteaux dans les quartiers huppés de la capitale. Luttant quotidiennement pour gagner son pain, le « Malien d’en bas » n’a pas la moindre indulgence pour ces cadres insouciants, qui ont pris l’habitude de vivre aux dépens de leurs concitoyens.

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