Rêves d’émirat

Pour soutenir durablement la croissance, le pays espère la découverte prochaine de gisements pétroliers. En attendant, l’agriculture et les mines lui fournissent l’essentiel de ses revenus.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

« L’argent ne circule plus, ni à Bamako, ni dans le reste du pays ! » Ce papetier qui a pignon sur rue au centre de la capitale n’en finit pas de pester. Son chiffre d’affaires a considérablement baissé ces dernières semaines. Raison invoquée : l’administration a bloqué toutes ses commandes de peur des contrôles dans le cadre de la croisade anticorruption. Les autorités ont renforcé en début d’année le suivi des dossiers transmis à la justice. Et l’on annonce l’ouverture imminente de certains des plus importants. Des mairies et des services en charge du foncier, mais aussi les départements ministériels ont été épinglés pour leur gestion. Il n’en faut pas plus pour paralyser les commandes de l’administration – les petits chefs craignant autant que leurs supérieurs – alors que les rumeurs circulent à vitesse grand V dans ce grand foyer de l’oralité. Si les activités risquent d’en être affectées quelque temps, elles ne remettent toutefois pas en question les fondamentaux de l’économie qui reposent sur les matières premières. Les faibles pluies et surtout l’invasion acridienne ont pesé lourdement sur les Maliens d’en bas en 2004. La production céréalière est en baisse, car les criquets ont provoqué des dégâts sérieux sur les pâturages et les cultures. Conséquence immédiate : les ménagères ont constaté une hausse des prix des produits vivriers sur les marchés.
Outre ces facteurs agroclimatiques, la filière coton subit une crise majeure du fait de la faiblesse des cours mondiaux de la fibre, de la dépréciation du dollar par rapport à l’euro et, enfin, d’un prix au producteur relativement élevé (210 F CFA le kilo) qui plombe les comptes de la Compagnie malienne de développement du textile (CMDT). Son déficit pour la campagne 2004-2005 est évalué à 50 milliards de F CFA. Aucune solution de sauvetage n’est véritablement envisagée à court terme, puisque la privatisation de la société a été reportée à 2008.
Première recette d’exportation, la production d’or a également baissé en 2004 du fait du tarissement de certains filons. Additionnés aux difficultés de la filière coton, ces facteurs ont eu des effets sur la croissance, qui n’a pas dépassé 1,5 %. Si les bonnes conditions météorologiques sont au rendez-vous, la hausse du PIB pourrait toutefois être plus soutenue en 2005 et 2006. Les investissements publics devraient connaître une augmentation de 10 % en 2005 et de 11 % en 2006. La croissance des investissements privés est plus modeste et, surtout, concentrée dans le secteur des télécommunications et des transports. Le bâtiment et les travaux publics s’essoufflent un peu malgré quelques projets, notamment la construction d’une nouvelle cité administrative à Bamako.
« Ce pays doit développer d’autres secteurs que l’agriculture », souligne Didier Veller, chef de la Mission économique française de Bamako. Parmi les priorités retenues par le gouvernement : les infrastructures, les biens d’équipements, l’agroalimentaire et les nouvelles technologies. Mais les obstacles sont nombreux. Hormis les difficultés de transport, le manque de qualification de la main-d’oeuvre locale et les importations frauduleuses, particulièrement dans le textile, sont des handicaps majeurs au développement des entreprises locales. Parmi les fleurons de l’industrie nationale, seules EDM (Électricité du Mali) et les Grands Moulins du Mali ont connu une année faste en 2004. La production d’électricité a progressé de 14 % sous l’effet conjugué de l’augmentation du nombre de clients (raccordements supplémentaires) et de la consommation moyenne par ménage (+ 11 %) due à un hivernage particulièrement chaud. La fourniture d’eau a également augmenté de 7,8 % entre 2003 et 2004. Les Grands Moulins du Mali (GMM) ont multiplié par deux leur chiffre d’affaires dans le secteur de la farine, à la faveur d’une exonération de TVA sur ce produit. Les GMM prévoient de doubler leurs capacités de production de farine, d’eau minérale et de confiserie (leurs trois principales activités) en 2005. Les entreprises SDV (transport), Bramali (boissons) et Somapile (piles et batteries) notent, pour leur part, un ralentissement de leurs activités en 2004 et devraient limiter leurs investissements. Somapile, par exemple, souffre de la concurrence des importations chinoises.
Malgré l’enclavement et les difficultés du pays, les dirigeants nourrissent de grands espoirs : ils rêvent d’or noir. Si, longtemps, leurs desseins ont paru utopiques, le développement de la production et de l’exploration chez le voisin mauritanien prouve que cette perspective n’a rien d’irréel. Et ce d’autant que le principal explorateur du sous-sol, l’Australien Max de Vietri, n’est autre que le découvreur du pétrole mauritanien. Le Mali possède cinq bassins sédimentaires potentiellement riches en hydrocarbures : Taoudeni, Gao, Iullemeden, Tamesna et Nara. Au Mali comme en Mauritanie, les premiers indices, découverts dans les années 1960 à 1980, ont été localisés en plein désert et à une époque où le baril de pétrole valait 20 dollars, ou moins. L’absence de rentabilité – et d’engagement à moyen terme des compagnies – a donc conduit les explorateurs à stopper les forages et à s’en aller. Mais la donne a évolué avec la hausse de la demande et des cours mondiaux ainsi qu’avec l’épuisement de certaines ressources.
Le président Amadou Toumani Touré compte bien attirer les compagnies pétrolières étrangères. Un nouveau code pétrolier a été élaboré sous l’impulsion notamment de Hamed Diane Semega (ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau) et d’Ousmane Thiam (ministre de la Promotion, des Investissements et des PME). Après concertation avec les experts et les juristes, le code pétrolier a été finalisé et voté par le Parlement, les blocs de recherche ont été délimités (15 blocs de 800 000 km2 au total, soit 65 % de la superficie du pays), et une Autorité pour la promotion de la recherche pétrolière a été créée en août 2004. Cinq blocs (nos 1, 2, 3, 4 et 9) ont été « achetés » d’un coup par le consortium Baraka Mali Ventures (BMV), formé par Max de Vietri avec des partenaires financiers mauritaniens (Isselmou Tajedine), australiens et européens. BMV s’engage à investir 51 millions de dollars sur quatre ans dans la partie du bassin de Taoudeni qui lui revient (193 200 km2). À suivre.

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