Prophétesse en son pays

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Tiens, revoilà Eva Joly ! Rentrée en Norvège, son pays natal, où, depuis trois ans, elle conseille le gouvernement dans sa lutte contre le crime organisé, l’ancienne juge de l’affaire Elf poursuit sa croisade contre la corruption, comme elle l’explique dans une interview publiée le 17 mai par le quotidien Le Parisien. Quand on lui en fait la demande, l’ex-femme la plus crainte de France, la magistrate intraitable qui n’hésita pas à expédier devant les tribunaux des caïmans aussi redoutables que Bernard Tapie, Roland Dumas ou André Tarallo, fait bénéficier de son expérience les dirigeants de nombreux pays, « émergents » ou non. « Seule la France ne m’a jamais rien demandé », sourit-elle.
Un gouffre sépare en effet la très luthérienne Norvège, qu’Eva Joly, née Gro Farseth, redécouvre avec un plaisir évident, de son pays d’adoption (depuis son mariage, en 1966, avec le Dr Pascal Joly). « Ici, les fonds secrets n’existent pas, tout est transparent, explique-t-elle. […] Pour quelques factures de taxi et des couches-culottes payées dans un aéroport avec la carte bancaire du gouvernement, une ministre des Affaires sociales a dû démissionner. Récemment, le ministre de la Réforme et de la Modernisation de l’État avait dépassé de 10 euros la limite d’une note de frais en payant une bouteille de chablis dans un restaurant. Cela a fait scandale et il a fini par démissionner, lui aussi. C’est une tolérance zéro pour le non- respect des règles applicables à tous. Même si parfois cela peu paraître excessif, j’ai compris que cela correspondait à une culture. Au fond, cela protège tout le monde. »
À titre de comparaison, rappelons que le montant des sommes détournées dans le cadre de l’affaire Elf avoisine le milliard de FF (150 millions d’euros). Les Français ne se rendent pas compte, sermonne la magistrate, que l’impunité dont jouissent nombre de leurs responsables politiques (à commencer par le premier d’entre eux) nuit considérablement à l’image de leur pays à l’étranger – ce qui est peu contestable. « Il y a une évolution fantastique, dit-elle encore. Au Kenya, en Roumanie, en Bulgarie, à Madagascar, en Indonésie, il y a une volonté politique et populaire de se débarrasser de la corruption » – ce qui est sans doute bien optimiste. Que voulez-vous, Eva Joly est comme ça : à 61 ans, elle n’a pas renoncé à croire que la vertu devrait mener le monde.
En un sens, c’est un personnage de roman. La preuve, une fiction cinématographique inspirée des deux livres qu’elle a écrits (Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? et Notre affaire à tous) est en cours de préparation. Il s’agira, explique à l’AFP la productrice norvégienne Karin Julsrud, d’un « thriller politique » dans lequel Eva Joly ne jouera pas son propre rôle – c’eût été pousser un peu loin le bouchon de la « justice-spectacle » – mais celui de conseillère technique. Eva Joly superstar ?

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