Crise politique en Tunisie : Béji Caïd Essebsi sort du silence
Dans une interview accordée le 15 juillet à la chaîne Nessma, le président Béji Caïd Essebsi a notamment évoqué la crise politique qui entoure le gouvernement de Youssef Chahed ou encore le soutien d’Ennahdha à ce dernier.
Dans un moment où la crise politique, qui sévit en Tunisie depuis plus de six mois, est à son comble, la prise de parole du président Béji Caïd Essebsi était très attendue. L’interview accordée à Nessma TV le 15 juillet lui a donné l’occasion de préciser ses positions. Désormais, c’est officiel : rien ne va plus entre le locataire de Carthage et celui de la Kasbah.
C’était l’essentiel à retenir de cet entretien d’une heure, durant lequel Béji Caïd Essebsi a certes abordé la situation socio-économique critique du pays mais a surtout précisé les responsabilités de chacun et souligné un déficit de l’État. Il a rappelé les marges de manœuvre que lui octroie la Constitution et fustigé ceux qui visent les prochaines échéances électorales.
« Pourquoi penser à 2019 quand on est au pouvoir et qu’on a l’opportunité de l’emporter maintenant ? », s’est interrogé le chef de l’État qui a confirmé, si les Tunisiens en doutaient encore, l’intention du chef du gouvernement, Youssef Chahed, de briguer la présidence. Il a ainsi dénoncé des manœuvres mais suppose que le patron de la primature les ignore. Un subtil camouflet pour celui censé avoir le contrôle de l’État.
Faillite de l’accord de Carthage
Le regret exprimé par le président de la République est la faillite, début juin, de l’accord de Carthage II, où neuf partis et institutions nationales devaient définir une feuille de route destinée au gouvernement d’union nationale. 63 points avaient été validés mais les discussions avaient achoppé sur une refonte totale du gouvernement et le départ de Youssef Chahed. Ce dernier, en querelle avec Nidaa Tounes dont il est issu, avait reçu l’appui du parti Ennahdha. Béji Caïd Essebsi, qui en appelle à l’union nationale, « brisée par certains », estime que « la situation va de mal en pis depuis plus d’un an ».
On ne peut faire face aux demandes, même partiellement, sans soutien politique », a déclaré le président
Il a également donné à Youssef Chahed un conseil de conduite politique : « La politique est une question de perception. On ne peut faire face aux demandes, même partiellement, sans soutien politique. Dans ce cas, soit on démissionne, soit on demande la confiance à l’Assemblée ». Il a été moins péremptoire vis-à-vis d’Ennahdha, bien qu’il soit l’appui majeur de Youssef Chahed et reste incontournable. Il a néanmoins spécifié son souci de vouloir réunir l’éventail politique le plus large pour gérer l’État.
Réactions mitigées
Les réactions en Tunisie ont été mitigées. Ceux qui souhaitaient savoir ce que pensait Béji Caïd Essebsi savent à quoi s’en tenir. Beaucoup estiment que l’air est vicié et d’autres que le président, dont ils rappellent les 91 ans, n’aurait pas dû s’exprimer de la sorte. Ils ne se sont pas offusqués quand le chef du gouvernement avait attaqué la direction de Nidaa Tounes et le fils de Béji Caïd Essebsi, Hafedh, directeur exécutif du parti, à l’occasion d’une intervention télévisée le 29 mai.
Il est sûr que la déconfiture de Nidaa Tounes, que Chahed souhaite récupérer en tant que structure politique, impacte négativement l’action politique et fait le jeu d’Ennahdha faute de majorité, ce qui rend la Tunisie difficile gérable.
Cependant, les règlements de comptes cathodiques n’apportent pas de solution et ne répondent pas aux questions des Tunisiens sur le devenir du pays, le revers économique et les prochaines étapes politiques au-delà des batailles de personnes. Reste à savoir ce que va faire Youssef Chahed dans ces conditions.
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