Peur sur le mil

Invasions de criquets, sécheresses à répétition… les pénuries alimentaires persistent. Cette fois, l’alerte a été donnée à temps et le danger a pu être écarté.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

« II n’y a pas de famine, car nous intervenons auprès des populations. » Yaya Tamboura, commissaire adjoint à la sécurité alimentaire, refuse de dramatiser. Mais il reconnaît que la situation est sérieuse. Elle a nécessité une réaction rapide des pouvoirs publics et des différents partenaires pour combler le déficit céréalier, estimé à 347 000 tonnes. En raison de la sécheresse qui sévit sur l’ensemble du Sahel et des attaques acridiennes qui ont dévasté les dernières récoltes, la production – de mil essentiellement – n’a pas dépassé cette année 2 millions de tonnes, soit une baisse de 42 % par rapport à la campagne exceptionnelle de 2003-2004. En tout, plus d’un million de personnes sont menacées par cette pénurie alimentaire dans les régions de Kayes, Koulikoro, Mopti, Tombouctou, Gao et surtout Kidal, « où des villageois se retrouvent coincés, sans nourriture, et trop éloignés pour entamer un trop long voyage avec leur cheptel », affirme Pablo Recalde, représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) au Mali. Depuis, des camions ont acheminé des vivres dans les provinces sinistrées. Pour sa part, le Commissariat à la sécurité alimentaire y a dépêché une mission d’évaluation.
Sur l’ensemble du pays, « grâce au système d’alerte précoce mis en place depuis le début des années 1980, nous avons pu limiter les mouvements de population en répondant immédiatement aux besoins », estime Yaya Tamboura. Après une première distribution gratuite de céréales, la deuxième phase a été lancée le 9 mai dernier par le président Amadou Toumani Touré. En tout, plus de 23 000 tonnes vont ainsi être livrées aux populations démunies dans les régions où les problèmes d’approvisionnement sont les plus marqués. Selon l’ONG Afrique verte, « la situation alimentaire, de plus en plus préoccupante, se caractérise par la hausse continue du prix des céréales et la baisse croissante des stocks ». Pablo Recalde dénonce aussi les effets de la spéculation de certains commerçants qui profitent de la pénurie pour faire grimper les prix. Afin de réguler le marché, plusieurs milliers de tonnes de mil, de riz et d’aliments pour bétail sont vendues à prix modéré. C’est notamment la stratégie préconisée par les banques céréalières, qui sont le plus souvent gérées par des groupements de paysans soutenus par des ONG. « C’est une alternative à la distribution gratuite et cela génère des revenus utilisés pour financer les activités villageoises », explique Yaya Tamboura. Devant la réussite de cette expérience en milieu rural, un réseau identique va être mis en place autour des principaux centres urbains. C’est déjà le cas dans plusieurs quartiers périphériques de Bamako, où quinze banques céréalières placées sous la responsabilité d’associations de femmes ont vu le jour. Le PAM développe par ailleurs l’opération « Vivres contre travail » pour offrir aux paysans les moyens de subsistance afin qu’ils puissent « tenir durant cette période de soudure », retourner aux champs et préparer les prochaines récoltes attendues en septembre. Des semences et du fourrage sont distribués. L’accent est mis également sur l’amélioration et le renforcement des réseaux d’irrigation alors que les pâturages traditionnels et les zones de culture le long du fleuve Niger sont quasiment à sec.
Si l’ensemble de ce dispositif est indispensable à court terme, certains font remarquer qu’il fragilise l’État malien et ses capacités de réaction en cas de nouvelle sécheresse. Les autorités ont abondamment puisé dans le stock national de sécurité de 35 000 tonnes, et les disponibilités financières du gouvernement de 5,5 milliards de F CFA sont sérieusement entamées. « Si le scénario criquets-sécheresse se reproduit lors de la prochaine saison agricole, nous courons à la catastrophe », estime Pablo Recalde. À moins que la mobilisation internationale ne prenne le relais. « Nous avons envoyé une trentaine de requêtes auprès des différents bailleurs de fonds, précise Yaya Tamboura, et nous commençons seulement à avoir les premières réponses positives ». En plus des programmes de coopération déjà lancés, le Canada a promis de reconstituer une partie du stock national de sécurité, le Japon s’est engagé à donner 6 000 tonnes de riz, la France va livrer 1 500 tonnes de céréales et l’Italie finance une distribution de semences. Et le 18 mai, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a annoncé qu’elle comptait mobiliser 114 milliards de F CFA pour le financement sur cinq ans du programme national de la sécurité alimentaire. Quant aux ONG internationales, elles multiplient depuis plusieurs semaines les campagnes de sensibilisation sur « l’urgence alimentaire et la situation alarmante » au Sahel. C’est le cas de Médecins sans frontières au Niger et d’Action contre la faim au Mali où « un enfant de moins de 5 ans sur trois souffre de malnutrition aiguë », estime l’organisation.

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