Nicolas et Cécilia Sarkozy

La rumeur de leurs déboires conjugaux a été confirmée par le Malaise dans le camp « Sarko » et embarras des journalistes français, peu habitués à étaler la vie privée de leurs personnalités publiques.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 6 minutes.

« La vérité est très simple : comme des millions de familles, la mienne a connu des difficultés. Ces difficultés, nous sommes en train de les surmonter. » Venu défendre le « oui » au référendum sur le plateau de la chaîne publique France 3, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, s’est expliqué, le 26 mai, sur les déboires que traverse son couple. Déboires disséqués à la loupe par tous les observateurs politiques. Cécilia, sa très médiatique épouse, qui était également sa plus proche collaboratrice, a-t-elle quitté le domicile conjugal pour vivre une aventure avec un communicant, rencontré en novembre 2004 aux assises de l’UMP ? Une chose est sûre, Nicolas et Cécilia Sarkozy, respectivement 50 et 48 ans, ont été vus pour la dernière fois en public le 12 mai. Depuis janvier, les apparitions de Cécilia aux côtés de son mari s’étaient faites plus rares. Ses absences de Paris et voyages à New York étaient devenus fréquents. Ses déclarations, début mai, au magazine Télé Star dans lesquelles elle racontait qu’elle ne se voyait pas en First Lady avaient mis la puce à l’oreille. Nicolas Sarkozy, lui, peinait à masquer sa nervosité. Notamment le 19 mai, face aux étudiants de Sciences-Po Paris, qu’il rencontrait alors qu’il venait d’apprendre le voyage en Jordanie de sa femme, partie assister à une réunion
des Prix Nobel organisée par le Forum économique mondial. Invité dimanche 22 mai au journal télévisé de 20 heures sur TF1, Sarkozy, déprimé, s’est fait excuser, prétextant un « coup de fatigue », et a été remplacé au pied levé par Jean-Louis Borloo. Il a essayé
de donner le change le lendemain soir, lors d’un meeting à Poitiers, mais la rumeur de ses difficultés conjugales, manifestement alimentée par des fuites savamment orchestrées par ses adversaires au sein de sa propre famille politique, avait fait le tour de toutes les rédactions. France Inter en avait fait écho dans une chronique. Le lendemain, les « digues sautaient ». Le Parisien, d’abord, France Soir ensuite, Le Monde enfin, abordaient, avec plus ou moins de retenue, le sujet.

Gênés aux entournures, peu habitués à étaler la vie privée de leurs hommes et femmes publics, les journalistes français ont cependant refusé de s’engouffrer la tête la première dans la brèche ouverte par l’affaire Cécilia. Le magazine Paris Match, qui détenait l’information depuis plusieurs jours, n’en a pas fait état. Hypocrisie ou ultime avatar de l’exception française ? Certains journaux étrangers ne se sont pas embarrassés de scrupules. Ainsi, le quotidien helvétique Le Matin y a consacré plusieurs articles, livré le nom et la photo de l’ami supposé de Cécilia, et même prêté à madame Sarkozy l’intention de demander le divorce. En fin de semaine, Nicolas Sarkozy, toujours affecté mais redevenu combatif, ne cherchait plus à masquer le malaise du couple. Il est allé s’expliquer à la télévision, tout en demandant aux journalistes de respecter sa vie privée. Maigre consolation, sa prestation aura partiellement éclipsé celle de Jacques Chirac, qui intervenait sur une autre chaîne pour inviter une dernière fois les Français à voter oui…
Indiscutablement, cette affaire est un coup dur pour l’homme à qui tout réussissait depuis 2002. Cécilia était bien davantage qu’une épouse : c’était le moteur de son ambition. Elle avait l’oeil sur tout, réglait les déplacements de son mari dans les moindres détails, le suivait comme son ombre, au point d’indisposer ses collaborateurs, qui regrettaient de ne pouvoir accéder à leur patron sans passer d’abord par son bureau. Leur liaison avait duré dix ans avant d’être officialisée par un passage devant monsieur le maire. Le couple s’est rencontré en 1986, au cours d’un dîner en ville. C’est le coup de foudre. Cécilia, née d’un père russe et d’une mère espagnole, quitte sur-le-champ son mari, l’animateur de télévision Jacques Martin, le célèbre présentateur de L’École des fans, qu’elle avait épousé trois ans auparavant, pour rejoindre Nicolas, emmenant avec elle ses deux petites filles de six mois et deux ans et demi. Elle s’affiche avec l’étoile montante de la politique française, séparé de sa femme lui aussi. Cécilia monte les marches du Palais-Bourbon au bras de son compagnon quand il est élu pour la première fois à l’Assemblée nationale, en 1988. Elle se fait aménager un bureau, en face du sien, au ministère du Budget, lors de son premier passage au gouvernement, sous Édouard Balladur, entre 1993 et 1995. Idem en mai 2002, quand « Sarko » est rappelé au gouvernement, au ministère de l’Intérieur, place Beauvau. Elle assiste aux réunions de cabinet, obtient un secrétariat particulier, se bat bec et ongles avec les services du protocole du parti majoritaire, l’UMP, alors présidé par Alain Juppé, « le fils préféré de Jacques Chirac », pour apparaître bien en vue au premier rang. Plus question de rester dans l’ombre. Un peu comme Claude Chirac, son ancienne « rivale », elle aime tout contrôler. Elle devient le coach de son mari. C’est elle invariablement qui l’encourage et le félicite quand il descend de la tribune et va se rasseoir, comme le fait un manager avec son boxeur sur le ring.
Relation fusionnelle ? Goût du pouvoir ? Le couple Nicolas et Cécilia a instauré le mélange des genres en mode de fonctionnement, pratique courante chez les Anglo-Saxons, mais inédite en France, vieux pays gaulois de culture latine où les femmes d’hommes politiques ont tendance à s’effacer pour ne pas faire d’ombre à leur époux. Les mauvaises langues expliquent que « Cécilia, c’est 51 % de Sarkozy ». Nicolas n’en a cure. Il veut marquer sa différence. Il pense même que les Français ne sont pas loin d’être lassés par les convenances désuètes et les fausses pudeurs de ceux qui les dirigent. Alors, tout en expliquant sur les plateaux de télévision qu’il pense à la présidentielle de 2007 « tous les jours en se rasant », il choisit, en accord avec sa femme, de mettre en scène sa vie privée, son couple et sa famille, d’offrir son intimité aux photographes de Paris Match. Ses – nombreux – détracteurs s’indignent de cette dérive à l’américaine et du triomphe de la forme sur le fond. Cécilia passe sur Envoyé spécial, l’émission de reportage du jeudi soir de France 2, seule, sans son mari. L’opinion en redemande. Les Français d’abord étonnés, sont conquis par la modernité du couple.
Aujourd’hui, c’est le malaise. Et chacun s’interroge sur les conséquences politiques possibles de l’affaire Cécilia. Nicolas Sarkozy, incontestablement affecté, va vivre des mois difficiles sur le plan personnel. Heureusement pour lui, les échéances cruciales ne se profileront pas avant la mi-2006. Il ne sera pas affecté par l’échec éventuel du référendum européen. L’UMP ne volera pas en éclats, ses militants et sympathisants ayant grosso modo respecté les consignes de vote. Et l’homme a prouvé par le passé sa capacité à encaisser les coups. Trouvera-t-il les ressources pour, cette fois encore, rebondir ?
La nomination attendue de Dominique de Villepin à Matignon, pour remplacer un Raffarin usé jusqu’à la corde, va décupler son envie d’en découdre. Reste, maintenant, à connaître la réaction des Français. Là, les analyses divergent radicalement. Les uns, généralement partisans voire inconditionnels du maire de Neuilly, rêvent à voix haute d’un « effet underdog », cette inclination naturelle de l’électorat à se mettre du côté des faibles et des perdants, et qui avait si bien servi Jacques Chirac lors de son duel de 1994-1995 face à Édouard Balladur. « Cette affaire va l’humaniser, lui qu’on dépeint comme un monstre d’ambition et un obsédé du pouvoir, veut croire un employé du parti ». D’autres, en revanche, redoutent un retour de bâton. Si de nouvelles révélations viennent s’ajouter à l’affaire, et si la presse lève le voile sur des incartades encore ignorées, il n’est pas impossible que les Français qui faisaient crédit de sa sincérité au Sarkozy intime se sentent trompés par la mise en scène de l’harmonie conjugale du couple. Et ne se détachent du personnage. Reste à savoir qui tirera les marrons du feu…

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