« Marock », ou la jeunesse dorée de Casablanca
A Cannes 2005, le pays africain qui aura bénéficié de la plus grande visibilité aura été sans conteste le Maroc : conséquence logique d’une politique particulièrement cohérente d’organisation complémentaire du cinéma et de la télévision, et surtout de la mise en pratique de mesures efficaces, que les autres pays de la région tardent encore à prendre. Entre autres, le financement du cinéma par une partie des recettes publicitaires de la télévision, ainsi que la promulgation récente d’une « loi-cadre » de l’audiovisuel garantissant les investissements privés dans le secteur, le tout étant régulé par un Centre national du cinéma particulièrement dynamique.
Résultat : le Maroc a été l’un des pays à inaugurer cette année la nouvelle section cannoise « Tous les cinémas du monde », en y présentant plusieurs films, dont de nombreux inédits. Seul pays du Maghreb représenté à la table ronde sur la « diversité culturelle », il était aussi, avec le Burkina Faso (doté lui aussi d’une législation cinématographique modèle), l’un des deux pays du continent retenus dans la sélection officielle du Festival. Et cela avec une « première oeuvre », intitulée Marock, signée Leïla Marrakchi.
Le film, fondé sur les souvenirs autobiographiques de la réalisatrice, se consacre à une catégorie de la société rarement montrée dans les films du Sud (qui préfèrent le plus souvent décrire la situation des plus démunis) : celle de la jeunesse dorée de Casablanca qui étudie dans des écoles françaises ou américaines, parle très peu l’arabe et vit, toutes origines religieuses confondues (l’héroïne, musulmane, tombe amoureuse d’un juif marocain), sans vrai contact avec les représentants du pays profond, à l’exception des domestiques qui servent dans les villas de grand luxe.
Leïla Marrakchi décrit avec justesse, sans jamais tomber dans les conventions feuilletonesques, ce milieu qu’elle connaît bien, mais sans réelle profondeur, ni véritable distance critique. Le film est lui-même richement doté : entièrement produit par une société française de renom, il bénéficie également d’un grand distributeur français et même déjà d’une date de sortie en France. On saura en décembre 2005 si le choix de Leïla Marrakchi (vivement contesté à Cannes par les critiques « tiers-mondistes » traditionnels) de privilégier le microcosme de la bourgeoisie « aisée » de son pays peut ou non la faire accéder à la plus large audience.
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