À l’heure du cinquantenaire du cinéma d’Afrique noire

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

« L’esthétique d’un film, pour moi, c’est faire des images qui doivent vaincre, vaincre le temps pour s’imposer. » « Je ne veux pas être un cinéaste « proche de son peuple », je veux être véritablement à l’intérieur de mon peuple pour exprimer ses pulsations et ses rêves. » La première phrase a été prononcée par le cinéaste malien Souleymane Cissé à l’occasion de la table ronde « Esthétique du cinéma africain ». La seconde par le doyen des cinéastes africains, le Sénégalais Sembène Ousmane, invité (à la suite des plus grands réalisateurs du monde) à donner la « leçon de cinéma annuelle du Festival ». Deux événements par lesquels Cannes 2005 a célébré les « Cinquante ans de cinéma d’Afrique noire », né en 1955 avec Afrique-sur-Seine, tourné à Paris par Paulin Soumanou Vieyra.
De la table ronde « Esthétique du cinéma africain » (organisée par le ministère français des Affaires étrangères, en partenariat avec la radio RFI, la télévision CFI, l’association Racines et le Groupe Jeune Afrique), on a surtout retenu que, malgré les difficultés économiques communes, il n’existe pas « une » esthétique du cinéma africain, et encore moins « un » cinéma africain, mais plutôt une addition de plusieurs auteurs aux styles souvent très différents, et cela y compris à l’intérieur d’un même pays.
De la « leçon de cinéma » de « l’aîné des anciens » (comme se surnomme lui-même Sembène Ousmane), on retiendra surtout l’introduction malicieuse, où l’auteur de Moolaadé (récompensé à Cannes en 2004) se demande comment, devant « ses cousins français, souvent donneurs de leçons », il pourrait, lui, oser donner une « leçon ». Et Sembène de renoncer à la conférence classique pour raconter une série d’anecdotes retraçant son parcours d’autodidacte militant devenu tout d’abord écrivain, puis décidant ensuite de devenir cinéaste, afin d’essayer de toucher la majorité des Africains illettrés en langue française…
Le troisième événement lié à la célébration du « cinquantenaire » (co-organisé par le ministère français des Affaires étrangères et l’Organisation intergouvernementale de la Francophonie) a pris une dimension cruciale, à mi-parcours de cette année 2005, où l’Unesco va essayer de faire adopter au mois d’octobre la première « convention internationale sur la diversité culturelle ». Intitulée justement « Diversité culturelle, dialogue Sud-Sud », cette table ronde, qui a permis la rencontre de cinéastes de plusieurs pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, a souligné l’imminence du danger qui menace les pays du Sud dont les expressions culturelles vont être de plus en plus minorisées par la mondialisation s’ils ne réclament pas l’« exception culturelle » dans les accords économiques de la libéralisation des biens et services qu’ils vont être amenés à signer.
À l’heure où un pays africain comme le Maroc a réussi in extremis à préserver sa souveraineté sur son audiovisuel national, dans le cadre d’un accord économique bilatéral récemment conclu avec les États-Unis, et à l’heure où ces derniers ont entamé des négociations économiques bilatérales avec la Tunisie, la table ronde de Cannes a relevé l’ampleur d’une bataille pour le contrôle de l’audiovisuel qui ne va pas cesser de se développer jusqu’au rendez-vous fixé par l’Unesco, et sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir dans un prochain numéro de J.A.I.

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