« La demande sociale reste forte »

Le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga dresse le bilan d’une année passée à la tête du gouvernement.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Nommé le 29 avril, Ousmane Issoufi Maïga vient d’achever sa première année à la primature. À 59 ans, il affiche une solide expérience de la vie politique. Après avoir quitté le ministère de l’Économie et des Finances en 2001, il s’est vu confier le portefeuille de la Jeunesse et des Sports, au moment des préparatifs de la Coupe d’Afrique des nations de février 2002, puis celui de l’Équipement et de l’Habitat. C’est ce dernier poste qui lui a valu d’être surnommé par ses collègues le « chef de chantier ».

Jeune Afrique/l’intelligent : Vous avez pris vos fonctions en mai 2004. Quel bilan pouvez-vous tirer de cette année à la tête du gouvernement ?
Ousmane Issoufi Maïga : Nous avons essayé de profiter du consensus politique qui prévaut pour relancer la croissance. Mais nous avons été confrontés à plusieurs problèmes qui ont partiellement annihilé nos efforts. La crise en Côte d’Ivoire a eu un impact important sur un pays enclavé comme le nôtre, tant au niveau de l’approvisionnement des produits et du renchérissement des importations que de la baisse des recettes fiscales. En outre, la mauvaise pluviosité, l’invasion acridienne, la flambée des prix du pétrole, l’évolution défavorable des cours mondiaux du coton et du dollar ainsi que les contre-performances des sociétés minières ont fortement affecté notre croissance. Toutefois, nous pensons avoir atteint une partie des objectifs qui nous étaient assignés. Le gouvernement a maintenu les grands équilibres macroéconomiques et assaini les finances publiques tout en répondant à la demande sociale.
J.A.I. : Quelles sont les perspectives pour 2005 ?
O.I.M. : Le taux de croissance devrait atteindre 6 % grâce à la reprise de la production agricole et de celle de l’or. Le gouvernement poursuivra ses actions en faveur de la croissance, de la décentralisation et de la réforme de la filière cotonnière. Aujourd’hui, les routes vers le Sénégal, la Guinée et la Mauritanie sont presque achevées. Et une nouvelle compagnie aérienne nationale a été créée. Les premiers vols devraient débuter en juin.
J.A.I. : Où en est la privatisation de la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT) ?
O.I.M. : Un nouveau calendrier pour la réforme de la filière coton a été adopté par le Conseil des ministres en février dernier. Celle-ci doit aboutir en 2008. Nous sommes désormais en train de recruter une banque d’affaires pour accompagner sa mise en oeuvre.
J.A.I. : Certains doutent de votre volonté de libéraliser la filière…
O.I.M. : La privatisation est irréversible. Elle sera conduite dans les règles de l’art, en défendant les intérêts des producteurs et du pays.
J.A.I. : Le prix d’achat au producteur vient d’être fixé à 160 F CFA le kilo de coton. À ce prix-là, cette culture est-elle encore rentable ?
O.I.M. : Difficilement. Mais c’est un prix plancher destiné à éviter les difficultés rencontrées l’an dernier lorsque le prix de 210 F CFA a fait encourir à la CMDT des pertes estimées à environ 50 milliards de FCFA. En outre, le nouveau mécanisme de fixation prévoit un réajustement du prix en août prochain. Il devrait s’effectuer à la hausse grâce à la maîtrise des coûts de production et à la remontée attendue des cours mondiaux.
J.A.I. : La filière est menacée. Dans quinze ans, le Mali produira-t-il encore du coton ?
O.I.M. : Le Mali continuera de produire du coton car nous en avons besoin pour la transformation textile.
J.A.I. : Le prix élevé de l’énergie reste un frein au développement d’industries. Depuis plusieurs mois, la situation est très tendue entre l’État et Énergie du Mali (EDM)…
O.I.M. : Le coût de l’énergie demeure un facteur limitant pour le développement du pays. Des difficultés sont apparues dans l’application des contrats de concession avec EDM. Les parties ont désormais convenu de l’établissement d’un nouveau cadre contractuel plus adapté aux services publics de l’électricité et de l’eau, par la mise en affermage de ces services. Les négociations se poursuivent. Elles devraient aboutir d’ici à la fin du mois de juin.
J.A.I. : La situation politique, économique et sociale de certains pays de l’UEMOA est alarmante. Craignez-vous un effet tache d’huile ?
O.I.M. : Il y a un risque de déstabilisation économique. La Côte d’Ivoire représente 40 % du PIB de l’UEMOA. Ses difficultés se ressentent sur la situation de l’ensemble des pays de l’Union. Mais des avancées significatives ont récemment été réalisées. Le pays s’achemine vers la tenue d’élections libres d’ici à la fin de l’année. C’est une lueur d’espoir pour la Côte d’Ivoire et pour l’ensemble des pays de l’Union.
J.A.I. : Le Mali a connu des troubles sociaux ces derniers mois avec une crise scolaire en décembre et les casses perpétrés en mars après le match de foot Mali-Togo. Que faut-il en penser ?
O.I.M. : Ce sont deux phénomènes malheureux. La crise scolaire a été rapidement maîtrisée. Le calme est aujourd’hui revenu. La gestion de la faculté des sciences juridiques et économiques était devenue très difficile en raison du nombre d’étudiants. Aussi sera-t-elle divisée en deux dès la rentrée prochaine. Les casses du 27 mars nous interpellent. Il faut en chercher les causes profondes. Ce sont des mouvements d’humeur qui traduisent une demande très forte de la part des jeunes, certainement liée, en partie, au chômage et à la situation scolaire. Nous devons répondre à ces préoccupations.
J.A.I. : Vous êtes prêt à poursuivre votre mission ?
O.I.M. : Je suis toujours prêt. Je n’appartiens à aucun parti. J’ai un seul mandat, celui du chef de l’État. Je suis « un fonctionnaire en mission », au service de mon pays.

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