La Cedeao fête ses 30 ans

Créée le 28 mai 1975, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest voit sa mission retardée par les crises qui ravagent la sous-région.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Du Liberia à la Sierra Leone, de la Guinée-Bissau à la Côte d’Ivoire, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao, qui regroupe quinze pays membres depuis le retrait de la Mauritanie en 1999) monte au front et vole de guerres civiles en coups d’État, de médiations en interposition ou en observation des élections. Tout d’un coup promue – bien malgré elle – au rang de gardien de la paix. Rien a priori qui ressemble à la mission originelle que ses pères fondateurs lui avaient assignée, quand, le 28 mai 1975 à Lagos, ils l’avaient portée sur les fonts baptismaux : l’intégration économique dans la sous-région, l’abolition des restrictions au commerce, la garantie de la libre circulation des personnes, des biens et des services, la création d’un vaste marché commun et d’une union monétaire…
Ces objectifs ne sont pas oubliés au moment où, depuis le 28 mai et jusqu’à la fin de l’année, l’organisation célèbre ses 30 ans et jette un regard sur le chemin parcouru. Et découvre que la prolifération des conflits de tous ordres a quelque peu ralenti les progrès enregistrés notamment dans le domaine de la liberté de mouvement – l’Afrique de l’Ouest étant, depuis plusieurs années déjà, la seule région du continent où les populations peuvent se déplacer sans avoir besoin d’un visa. Mieux, précise Mohamed Ibn Chambas, le secrétaire exécutif de la Cedeao, « nous lançons maintenant le passeport de la « liberté de circulation », qui est la clé de voûte de la construction de la communauté ». Avant de saluer la réalisation du projet de gazoduc ouest-africain, du Nigeria en Côte d’Ivoire, en passant par le Bénin, le Togo et le Ghana – et plus tard le Sénégal. « D’une valeur de 500 millions de dollars, il est, affirme-t-il, une démonstration du partenariat dans le secteur public et le secteur privé, une manifestation de l’aptitude des pays membres dans de grands projets susceptibles de générer des emplois et de la richesse… »
Ce n’est pas tout. L’espace sous-régional dispose d’un Parlement de 120 membres, d’une cour de justice, d’une banque d’investissement (BIDC), dont le conseil d’administration s’est réuni pour la première fois le 26 août 2003. Nul doute cependant que d’autres initiatives auraient pu être engagées si l’instabilité n’avait quasiment élu domicile dans la sous-région. Si, à l’origine, la paix et la démocratie avaient été posées comme préalables à toute démarche d’intégration. Si les processus démocratiques n’étaient devenus presque immanquablement des « abcès de fixation » avant de déboucher sur des conflits postélectoraux. Si la bonne gouvernance était entrée plus tôt dans les moeurs. Si les décisions prises au niveau communautaire trouvaient dans les meilleurs délais leur traduction et leur application dans les quinze pays membres – « l’intégration régionale n’est considérée nulle part comme une priorité nationale », reconnaît-on volontiers au siège à Abuja. Si l’organisation ne rencontrait des difficultés de financement pour mener à bien ses activités…
Les prélèvements communautaires (0,5 % de la valeur des importations hors Cedeao) mis en place en juin 2001 ont amélioré la situation budgétaire, l’ancien système ayant montré ses limites. De 1975 à 2001, le Liberia, en tête des mauvais payeurs, a accumulé… 21 ans d’arriérés de contribution. Suivaient : la Gambie (12 ans), le Cap-Vert, la Guinée-Bissau et la Sierra Leone (11 ans), le Niger (7 ans) et la Guinée (6 ans). Au total : 50,6 millions de dollars de manque à gagner pour l’institution. Seuls le Bénin, le Mali, le Sénégal et le Togo étaient à jour de leurs cotisations.
Mais ces prélèvements connaissent aussi des ratés. En 2004, seuls 66 % des 67 millions de dollars budgétisés ont été versés dans les comptes de l’organisation. Pour rappeler tout le monde à l’ordre, la Cedeao a dépêché des missions de sensibilisation et d’enquête dans les États membres. Objectif : obtenir que, cette année, tous se mettent en règle. C’est une façon de rester davantage crédible auprès de ceux qui, au fil des ans, continuent de contribuer au financement de ses besoins. Lesquels sont de plus en plus importants. Outre les projets économiques qui mobilisent beaucoup de partenaires (Banque mondiale, Banque africaine de développement, Union européenne, Fonds arabes, etc.), il y a le règlement des conflits.
Un rôle de pompier qui prend de plus en plus le pas – du moins auprès des médias et de l’opinion – sur les projets d’intégration économique. L’Ecomog, (son bras armé) et ses soldats semblent être plus connus que l’organisation elle-même. Assez en tout cas pour être cités en exemple par d’autres structures régionales : la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac), la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)… Son Mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits, adopté en décembre 1999, a commencé à faire école. Pour son trentième anniversaire, la Cedeao aurait probablement préféré être saluée pour autre chose… comme son degré d’intégration, par exemple.

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