Demain, un monde différent

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 5 minutes.

Je vous propose, cette semaine encore, de regarder ensemble ce que nous apportera le proche avenir. Dans quel monde ceux d’entre nous qui seront encore là vivront-ils en 2020 ? Quels changements seront intervenus dans les quinze années qui nous séparent de cette date ?

Le National Intelligence Council des États-Unis, un centre de pensée stratégique chargé d’éclairer les responsables américains sur le futur, a interrogé les meilleurs experts (dont il précise qu’ils ont été sélectionnés hors de la sphère gouvernementale américaine) et donne, en 120 pages, une synthèse de leurs prévisions.
Nous tirerons de cette « carte du monde de 2020 », dont la lecture m’a passionné, un document de plusieurs pages qui sera publié dans le cinquième numéro de La Revue de l’intelligent (parution le 20 octobre prochain).
Mais je ne résiste pas au plaisir de vous donner, dès cette semaine, dans le cadre de cette chronique, un premier aperçu de ce que vous trouverez dans ce document.
Le laps de temps qui nous sépare de 2020 est relativement court. La prévision est donc possible, et même aisée : il suffit de prendre en considération toutes les données connues et, en quelque sorte, de « prolonger les courbes ».

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C’est vrai en particulier pour la démographie, où les projections sont fiables : on peut prédire, sans grand risque d’erreur, qu’en 2020 la population mondiale sera de 7,8 milliards, à quelques millions près. Et l’on peut même indiquer dès aujourd’hui comment elle sera répartie. Regardez le « camembert » ci-après et lisez la légende : sur 100 êtres humains, 56 seront asiatiques, dont 19 chinois et 17 indiens ; 16 seront africains, dont 13 subsahariens

Par leur poids démographique et grâce à une croissance économique annuelle de 6 % à 9 % sensiblement plus forte que celle des pays industrialisés qu’ils connaissent depuis la fin du XXe siècle, et devraient pouvoir maintenir, la Chine et l’Inde accessoirement le Brésil, l’Indonésie, le Mexique) marqueront de leur empreinte les quinze prochaines années.
La courbe du revenu par habitant (comparée à celle des États-Unis) et « le tableau du rattrapage » par ces deux géants asiatiques des six principales puissances de ce début de siècle États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie le montrent de façon spectaculaire.

Les conséquences de ce rattrapage à marche forcée affecteront le sort de milliards d’hommes et de femmes répartis entre, d’une part, ces deux grands pays (et les quelques autres qui, comme eux, sont en phase de décollage économique) et, d’autre part, l’Europe, les États-Unis et le Japon.
En voici quelques-unes, énumérées dans le rapport du National Intelligence Council :
Même avec leur croissance soutenue, il est peu probable que les « géants » de l’Asie et quelques autres parviennent, d’ici à 2020, à rivaliser qualitativement avec les économies des États-Unis ou des autres pays riches. Ils auront des secteurs dynamiques, de niveau international, mais la plus grande partie de leur population travaillera encore dans le secteur agricole, leur capitalisation sera moins sophistiquée et leurs systèmes financiers
seront probablement moins efficaces que ceux des autres
pays riches.
Avec l’intégration progressive de la Chine et de l’Inde et d’autres pays en développement dans l’économie mondiale, des centaines de millions d’adultes en âge de travailler se retrouveront sur ce qui devient, du fait des flux commerciaux et de capitaux, un marché du travail mondial. Les structures mondiales de production, de commerce, d’emploi et de salaires seront transformées.
Cette énorme force de travail dont une partie croissante sera bien éduquée sera une source attractive et compétitive de main-d’uvre à bon marché, au moment où l’innovation technologique élargira l’éventail des occupations mondialement mobiles.
La concurrence exercée par cette main-d’uvre renforcera la délocalisation, nécessitera
une requalification professionnelle dans les pays qui la subiront et y freinera l’augmentation salariale dans certaines fonctions.
En cas de crise économique mondiale, la montée en puissance des nouveaux pays industriels pourrait inspirer de larges sentiments protectionnistes. Mais, tant qu’il y aura une croissance économique suffisante et une flexibilité sur le marché du travail, il est peu probable que l’intense concurrence internationale cause des « pertes » d’emploi nettes dans les pays avancés.
Bien que le niveau de vie d’une large frange de la population des pays en développement doive progresser au cours des quinze prochaines années, le revenu individuel dans la plupart d’entre eux ne sera pas comparable à celui des pays occidentaux en 2020. Il continuera à yavoirun grand nombre de pauvres même dans les économies en croissance rapide, et la proportion de ceux qui se trouveront dans la couche moyenne sera encore
nettement plus faible qu’elle ne l’est aujourd’hui dans les pays développés. Les experts estiment qu’il faudra encore trente ans à la Chine après 2020 pour voir son revenu par tête atteindre le niveau actuel de celui des économies développées.
Même si la classe moyenne chinoise pouvait représenter 40 % de la population en 2020 le double d’aujourd’hui , sa proportion serait encore en dessous des 60 % affichés par les États-Unis.
Et le revenu par tête des membres de la classe moyenne serait nettement inférieur à celui de leurs équivalents en Occident.
En Inde, on estime qu’il y a actuellement environ 300 millions de « revenus moyens » (2000-4000 dollars par an). Le niveau de ces revenus et le nombre de ceux qui en bénéficient vont probablement progresser rapidement. Mais, en 2020, ces revenus resteront nettement inférieurs à la moyenne américaine et à celle des autres pays riches.
Cependant, on considère qu’un revenu annuel de 3000 dollars est suffisant pour stimuler les achats d’automobiles en Asie. Ainsi, des revenus moyens en augmentation rapide etune classe moyenne de plus en plus nombreuse se combineront pour provoquer une énorme explosion de la consommation, qui est déjà évidente.

Sous nos pieds, la Terre bouge ; le monde dans lequel nous vivons se transforme à vue d’il et plus vite que jamais : de quoi donner le vertige !
Il a été dominé depuis plus de trois cents ans par l’Occident (à tour de rôle : le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, les États-Unis) ; il l’est encore, par l’Union européenne et les États-Unis, mais on sent bien que cette ère s’achemine vers son terme.
Le rapport du National Intelligence Council nous annonce que, d’ici à 2020, la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, l’Afrique du Sud (et quelques autres) frapperont à la porte des « grands » et demanderont une place à leur table

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