Barclays : opération rachat
Ex-emblème honni du pouvoir blanc, la troisième banque britannique prend le contrôle d’Absa. Et se refait une virginité.
Dix-neuf ans ! C’est le temps qu’il aura fallu à Barclays pour revenir en force en Afrique du Sud. Sous la pression des manifestations antiapartheid, elle avait dû liquider, en 1986, ses 40 % de parts dans sa filiale locale, devenue la First National Bank. Ex-emblème honni du pouvoir blanc, la troisième banque britannique a en effet annoncé le rachat d’Absa, numéro un de la banque de détail, la plus implantée dans la communauté noire. Montant de l’offre lancée le 9 mai : 5,4 milliards de dollars pour 60 % du capital, l’investissement le plus important jamais réalisé sur le continent par des sociétés étrangères, hors hydrocarbures (voir tableau).
Absa fusionnera avec la filiale locale de Barclays, sa tête de pont dans la banque d’investissement depuis 1995. De même, les dix filiales du réseau africain de la britannique seront intégrées dans le réseau Absa avec seulement deux doublons en Tanzanie et au Zimbabwe. De fait, Barclays devient la première banque d’Afrique, devant Stanbic, le holding qui regroupe Standard Bank of South Africa et son réseau africain.
Le conseil d’administration d’Absa a approuvé à l’unanimité cette opération amicale, qui aurait recueilli le soutien d’actionnaires représentant 63 % du capital. Après huit mois de négociations, Trevor Manuel, le ministre sud-africain des Finances, a accordé son feu vert. En Afrique du Sud, toute offre publique doit recueillir, avant d’être soumise aux actionnaires, l’approbation réglementaire du ministre des Finances. Si Trevor Manuel a fini par se résoudre à voir une des quatre principales banques de Johannesburg passer sous pavillon étranger – l’opération, politiquement sensible, avait reçu le soutien du président Thabo Mbeki -, il a néanmoins imposé ses conditions. Absa conservera son indépendance et sa direction actuelle avec l’obligation de comporter une majorité de dirigeants sud-africains. Elle restera cotée à la Bourse de Johannesburg sans que soit remise en question la prise de participation de 10 % de Batho Bonke, un fonds d’investisseurs noirs, dans le cadre du BEE (Black Economic Empowerment). Enfin, seuls 2 % des emplois seront supprimés. À terme, Barclays devrait tirer 10 % de ses profits mondiaux du marché sud-africain, au fort potentiel. Moins de un Sud-Africain sur deux dispose d’un compte en banque, moins de un sur dix, d’une carte de crédit.
Assisterait-on à une amorce d’afro-optimisme ? En tout cas, l’annonce par General Motors d’un investissement record de 3 milliards de dollars dans son usine de Port Elizabeth pour assembler le 4×4 Humer H et l’opération de Barclays pourraient marquer le retour en force des grands groupes en Afrique du Sud, ce dont se réjouit Mbeki. « Ces multinationales, a-t-il déclaré, sont une solution aux problèmes de l’Afrique et non son problème. » Déjà, en mars, MTC, l’opérateur mobile koweïtien, avait racheté le panafricain Celtel, société de droit néerlandais, pour 3,4 milliards de dollars. Explication de ce regain d’intérêt des multinationales : le continent a affiché en 2004 un taux de croissance de 5 %, soit la plus forte progression depuis huit ans. En Afrique du Sud, le « vote de confiance » de Barclays, selon les termes de Trevor Manuel, devrait ramener les investisseurs après le retrait d’Anglo American et de De Beers de la Bourse de Johannesburg et les inquiétudes suscitées par la crise du Zimbabwe. MTN, l’opérateur mobile sud-africain, pourrait, à son tour, aiguiser les appétits. Dans le secteur bancaire, Trevor Manuel se dit prêt à étudier d’éventuelles offres « au cas par cas ».
Accusée d’avoir financé le régime de l’apartheid, Barclays a refusé de comparaître devant la Commission Vérité et Réconciliation. Mais les 87 plaignants qui avaient déposé des demandes en réparations contre plusieurs groupes occidentaux, dont Barclays, ont été déboutés en première instance par un tribunal de New York…
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