Antonio Guterres, sur le fil

L’ancien Premier ministre portugais a été préféré au Tunisien Kamel Morjane pour le poste de haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés.

Publié le 30 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

La bataille a duré plus longtemps que prévu et a été indécise jusqu’au bout. Attendue initialement au début du mois de mai, la désignation du nouveau haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés n’est finalement intervenue que le 24 mai de ce même mois. L’ancien Premier ministre portugais Antonio Guterres et le Tunisien Kamel Morjane, actuel numéro trois de l’agence onusienne, où il est entré en 1977, avaient les faveurs des pronostics. Après avoir beaucoup hésité, Kofi Annan a finalement tranché en faveur de Guterres. L’usage, qui veut que le poste revienne à un représentant des pays donateurs européens, a donc été respecté.
Comme son prédécesseur, l’ancien Premier ministre néerlandais Ruud Lubbers, acculé à la démission, le 20 février 2005, en raison des accusations de harcèlement sexuel portées contre lui par plusieurs employées du HCR, Guterres est bien davantage un politique qu’un spécialiste de l’humanitaire. Ce qui explique que sa nomination ait été accueillie avec une certaine déception par les membres du personnel. « Nous n’avons aucun a priori contre M. Guterres, précise l’un d’eux, au siège genevois de l’agence. C’est un homme précédé d’une réputation flatteuse. Mais son arrivée va se traduire par une période d’adaptation et de flottement qui va durer entre six mois et un an, le temps qu’il trouve ses marques. Nous aurions préféré Kamel Morjane ou le Danois Soren Jessen-Petersen, qui, eux, sont « de la maison ». Cela aurait été ressenti comme une marque de reconnaissance pour le travail pénible accompli, souvent au risque de leur vie, par nos 6 500 collaborateurs à travers le monde. »
Disciple de Mário Soares, le charismatique leader des socialistes portugais, Guterres (56 ans) est un chrétien de gauche, proeuropéen convaincu. Il passe pour l’un des principaux artisans de l’entrée réussie de son pays dans la zone euro. Nommé Premier ministre du Portugal en 1995, il conservera son poste jusqu’à la cuisante défaite de son parti aux élections municipales de décembre 2001. Il choisira alors de démissionner et de provoquer des législatives anticipées, le mois suivant. Il rebondira par la suite à la présidence de l’Internationale socialiste. C’est le mentor en politique de José Socrates, l’actuel chef du gouvernement portugais, qui a pesé de tout son poids pour soutenir sa candidature. Peu connu hors de son pays, il y dispose néanmoins de réseaux efficaces. Indiscutablement, l’intense activité de lobbying qu’il a menée depuis son entrée en lice pour le Haut-Commissariat a payé. On suggère ici et là que sa proximité avec Kofi Annan – les deux hommes se connaissent et s’apprécient depuis longtemps – a pu faire pencher la balance en sa faveur. Mais il a également bénéficié du soutien des pays européens, qui, après avoir, dans un premier temps, présenté d’autres candidats (le Français Bernard Kouchner, l’Italienne Emma Bonino), se sont ralliés à sa candidature. Il n’est par ailleurs pas exclu que l’appui de la Russie, que José Sócrates est allé chercher à Moscou, où il a rencontré Vladimir Poutine, le 9 mai, en marge des cérémonies du soixantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, ait compté.
Malgré tout, sa désignation n’a été obtenue que d’extrême justesse. Jusqu’au lundi 23, dans la soirée, Morjane semblait tenir la corde, grâce au soutien des groupes africain, arabe et musulman – il était le seul candidat du Sud -, et à celui de la Suisse, le pays hôte du siège de l’organisation. Surtout, il avait la préférence des États-Unis, qui ne sont cependant pas allés jusqu’à opposer leur veto à la désignation du socialiste Guterres. Le Portugal est en effet l’un de leurs alliés, il est membre de l’Otan et a envoyé un (modeste) contingent de troupes en Irak.
Déçu, mais beau joueur, Kamel Morjane devrait, comme il l’avait fait savoir pendant la campagne, quitter son poste de haut-commissaire assistant d’ici à la rentrée. Kofi Annan souhaiterait qu’il continue sa carrière dans le système onusien, mais le diplomate tunisien pourrait être tenté par un retour dans son pays natal…

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