Un mandat qui finit mal

Olusegun Obasanjo cède son fauteuil de chef de l’État à son poulain et lui laisse un pays au bord du chaos. Quelle image celle du réformateur ou celle de l’autocrate l’Histoire retiendra-t-elle ?

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Autant le dire d’emblée : nul ou presque ne trouve matière à satisfaction dans le processus électoral au Nigeria et son épilogue, la présidentielle qui a vu, le 23 avril, Umaru Yar’Adua proclamé vainqueur. Le candidat du parti au pouvoir est arrivé en tête du scrutin avec 18 millions de suffrages d’avance sur son principal adversaire, le général Muhammadu Buhari, alors que le vice-président Atiku Abubakar, troisième, est loin derrière. Le chef de l’État sortant, Olusegun Obasanjo, dont l’entrée au palais d’Aso Rock il y a huit ans, avait suscité beaucoup d’espoir, a raté sa sortie. Il a déçu la plupart de ses 140 millions de compatriotes et fait l’unanimité de la communauté internationale contre lui.
Pour celle-ci, le scrutin, marqué de fraudes, de violences, de morts est une mascarade sans nom. Elle ne s’est pas embarrassée, cette fois, de circonvolutions diplomatiques pour le dénoncer. Pour ceux-là, qui menacent de ne pas en rester là et appellent déjà à la mobilisation générale, y compris des syndicats, contre le hold-up électoral, ce n’est ni plus ni moins qu’un scandale. Pour les uns et les autres, c’est la porte ouverte aux errements du passé. Pour tous, un échec de la démocratie. Le pays, qui commençait à se doter de fondements sur lesquels bâtir quelque chose, pourrait mettre du temps à s’en remettre.
Un véritable gâchis. C’est ce que probablement l’Histoire retiendra, qui oubliera sans doute tout le reste, qui n’est pourtant pas négligeable, loin s’en faut : la reprise en main des institutions, aujourd’hui passablement débarrassées des réflexes acquis au cours des dictatures militaires qui se sont succédé ; la mise en place de structures de lutte contre les circuits mafieux qui ont gangrené et siphonné l’économie des années durant ; la campagne couronnée de succès pour le retour des investissements ; le lifting de l’image du pays, en passe de retrouver un visage plus avenant à l’étranger ; la meilleure prise en compte des particularités ethniques ou religieuses sans tomber dans la tentation des particularismes si prompts à prospérer dans un État fédéral comme celui-ci
Mais cette entreprise de restauration de la gouvernance économique et d’ancrage à la démocratie n’a pu ou su se doter d’un appareil administratif à la hauteur de son ambition et qui soit capable de faire pièce aux potentats locaux accrochés à leurs prébendes. Pas plus qu’elle n’a pu ou su entraîner le renouvellement des élites et des pratiques politiques. Le chantier (ouvert) de l’état de droit a peu ou pas progressé. L’entrée en démocratie perçue d’abord et avant tout comme une prime à l’amélioration des conditions de vie, et pas seulement à une renaissance à la liberté (synonyme ici d’une joyeuse pagaille récréative), n’a pas tenu toutes ses promesses.
Les deux mandats d’Obasanjo ne pouvaient, il est vrai, y suffire. Mais saura-t-on jamais ce qu’il serait advenu de l’avenir démocratique du Nigeria, si le chef de l’État sortant s’était résolu à mieux préparer sa sortie en organisant autant que faire se peut des élections libres, honnêtes et transparentes au lieu d’imposer son propre choix à ses concitoyens. En l’occurrence Umaru Yar’Adua, qui doit emménager le 29 mai prochain au palais d’Aso Rock à Abuja.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires