Tous jaloux de la France

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Si la France attire plus de touristes que n’importe quel autre pays, ainsi qu’un haut niveau d’investissements étrangers, c’est parce que la qualité de vie y est hors du commun. Lorsque j’entends les Britanniques fustiger les faiblesses supposées de la France, je me demande pourquoi si peu de Français achètent des maisons de campagne en Grande-Bretagne quand les Britanniques en achètent autant en France. La raison est la
même : la qualité de vie en France est l’une des meilleures du monde. Cela ne fait pas le moindre doute. Et la France n’est pas sur le déclin : la productivité par heure
française est aussi l’une des meilleures du monde. La France est le numéro un, deux ou trois dans bien des domaines, et elle le restera. Je me demande combien de temps survivra la caricature d’une France paresseuse.

Il y a, bien entendu, quelques bonnes raisons de critiquer la France, par exemple, son personnel politique : des hommes âgés, qui occupent la scène depuis plus de trente ans, fascinés par le passé, ignorants des réalités mondiales. Ils sont aussi pathétiques que les jeunes Français sont dynamiques.
Une révolution est inévitable. Mais quand ? Comment ? Rapidement ? Tranquillement ?
Profondément ? Une nouvelle élite émergera avec le grand dynamisme du peuple français. L’élection actuelle le montre bien. Mais pour que les étrangers ne s’y trompent pas, laissez-moi le dire clairement : la France et la gauche française en particulier ne
s’alignera sur aucun modèle. []
La France s’est construite autour d’un État central fort, d’une langue unique et de grandes ambitions. C’est ce qui a fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui : un pays fort, avec un niveau de vie élevé, une espérance de vie qui s’allonge de trois mois tous les ans et une excellente infrastructure routière. Si la France est une exception, elle est heureuse d’en être une. Elle ne peut pas, et ne doit pas, renoncer à ses grandes
particularités uniquement pour faire plaisir à ses concurrents.

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Il n’existe pas de modèle idéal universel que la France et d’autres devraient imiter. Il n’y a que des situations nationales. Sur le plan politique, l’avenir de la gauche n’est pas d’accepter une économie de marché ultradominatrice, mais d’inventer de nouvelles
formes d’équilibre entre le marché et la démocratie. Cet équilibre et les moyens d’y
arriver sont particuliers à chaque pays.
C’est pourquoi il y a dans cette campagne présidentielle un accord entre tous les partis de centre-gauche pour garder un équilibre entre le pouvoir de l’État et le pouvoir des régions.
La défense du français comme ciment de la nation est l’une des principales responsabilités de l’État à un moment la mondialisation donne à penser que d’autres sont en échec sur ce point. Ni la gauche ni la droite françaises ne veulent que le pays devienne une mosaïque de communautés ethniques.
La France a de nombreux problèmes : un chômage élevé, une absence de mobilité, la faiblesse de l’enseignement supérieur, l’intégration insuffisante des minorités, la dette publique et la menace d’un déclin industriel, pour n’en citer que quelques-uns.
Mais il n’existe pas de modèle, en dehors de la France, pour résoudre ces équations.
La gauche française est heureuse de saluer ce qu’on appelle le modèle britannique et d’en admirer certains aspects, tels que sa politique de l’emploi. Mais elle ne doit pas en reprendre à son compte toutes les recettes.

Ainsi, la France croit passionnément à l’assimilation et doit se garder d’imiter la dangereuse dérive vers les vies atomisées ou les communautés séparées que l’on voit en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.
Les Français ne sont pas convaincus qu’une nation puisse survivre sans une forte ossature industrielle. La France s’appuiera sur ses atouts : un État fort, un système
de santé efficace et une solide base industrielle, et elle essaiera de remédier à ses faiblesses en améliorant sa mobilité, sa recherche et sa compétitivité.
Le nouveau défi sera d’introduire de nouvelles idées dans la doctrine de la gauche, en France comme ailleurs. La mondialisation n’est jusqu’ici intervenue que dans l’économie. Il faut aussi une mondialisation de la démocratie. Il nous faut donc réfléchir à une
utilisation des nouvelles technologies en politique et à un nouveau concept de démocratie participative. Il nous faut réorganiser et relancer les institutions de la
gouvernance mondiale.

* Jacques Attali, ancien proche conseiller de François Mitterrand, est le président de PlanetFinance, organisation de lutte contre la pauvreté par la microfinance.

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