Sarkozy, entre courage politique et instincts populistes

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Nicolas Sarkozy a fait preuve de courage politique. Favori des sondages dans la campagne présidentielle, il a animé le débat politique. À juste titre, il a attiré l’attention sur les principaux problèmes qui se posent en France : la rigidité du marché du travail, une pression fiscale étouffante et un État envahissant. Courageusement, il a osé défier le Front national en mettant en avant l’immigration et l’identité nationale. Sur ces derniers sujets, il a tracé une ligne jaune dangereusement ténue et l’a parfois franchie. Mais il a apporté une contribution importante au débat en proposant d’avoir
recours à la discrimination positive pour combattre l’exclusion sociale. Elle avait longtemps été un sujet tabou dans une France obsédée par l’égalitarisme.

Cependant, Sarkozy semble avoir été emporté par ses instincts populistes. Ses déclarations sur la spéculation financière et la compétitivité, le commerce et la politique monétaire de l’Europe ont nettement, et peut-être dangereusement, dérapé. En encourageant les pires instincts des électeurs au lieu de faire appel à leur raison,
il a aussi aggravé les défis auxquels il devra faire face s’il est élu président.
En attaquant les fonds d’investissement, Sarkozy a cherché à opposer la spéculation financière destructrice à l’investissement industriel vertueux, comme si l’on pouvait faire une distinction aussi nette. On peut légitimement se poser des questions au sujet des fonds d’investissement sur leur transparence et leur réglementation. Mais ce ne sont pas ces questions-là que Sarkozy a posées. Il a suivi la mode bien française de s’attaquer à la nature même de la spéculation. Pourtant, les brillants boursicoteurs français auraient pu lui expliquer que la spéculation est au coeur même de l’économie de marché. En condamnant la spéculation, il ne fait que diaboliser le capitalisme.
Sur l’Europe, Sarkozy s’est montré tout aussi démodé et nationaliste. Il a qualifié d’« erreur » la prise de contrôle par Mittal du groupe sidérurgique Arcelor. Mais au nom de quoi l’État français aurait-il pu empêcher une société privée de droit néerlandais de racheter une autre société privée basée au Luxembourg tout en respectant le principe de concurrence de l’Union européenne ? De même, comment Sarkozy pourrait-il réorienter unilatéralement la politique commerciale de l’Union, adoptée avec les vingt-six autres membres, ou la politique monétaire, définie noir sur blanc dans la charte fondatrice de la Banque centrale européenne ? Prendre Sarkozy au mot serait le début de la fin pour l’Union européenne.

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L’entourage de Sarkozy chuchote qu’il sait fort bien qu’il ne peut pas remettre en question le mandat anti-inflation de la BCE, ni modifier sa politique commerciale. Il est économiquement libéral dans les secteurs où il peut apporter un changement, et protectionniste dans ceux où il ne le peut pas. La rhétorique nationaliste est le prix à payer pour remporter l’élection.
Un tel mode de pensée témoigne d’un grand mépris pour l’intelligence des électeurs français, qui ont été menés trop longtemps en bateau par leurs dirigeants. Comme l’a souligné Sarkozy lui-même, une élection remportée avec de faux arguments ne peut jamais donner un gouvernement fondé sur des convictions .

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