Pour l’amour du Maroc
Frédéric Mitterrand et Abdellah Taïa ont associé leurs talents pour commenter deux cents clichés pris à l’époque du protectorat. Tantôt convergents, tantôt opposés, leurs regards sont toujours complémentaires.
C’est une approche insolite, à la fois intime et historique, qui nous est proposée. Maroc 1900-1960, un certain regard nous fait voyager dans l’espace et le temps, de la période coloniale à l’indépendance du royaume. Un ouvrage aussi littéraire que visuel, où les clichés d’archives tous ont été pris pendant le protectorat sont l’objet d’un texte à deux voix, le fruit du croisement des regards, français et marocain, de deux auteurs réunis par un amour commun du Maroc. Frédéric Mitterrand, 59 ans, a vécu une partie de son enfance dans ce pays ; Abdellah Taïa, 33 ans, y est né et y a grandi.
Si les regards sont différents, parfois convergents, parfois opposés, ils sont toujours complémentaires. Au fil des pages, le dialogue se déploie, ponctué par les photographies,
les légendes et les commentaires. L’un et l’autre mêlent événements collectifs et mémoire
individuelle, grande Histoire et souvenirs personnels, tissant ainsi les liens entre deux nations.
Ce livre interroge aussi la place particulière du royaume chérifien dans l’imaginaire
français. Parmi les quelque 100 000 clichés conservés à la photothèque du Quai d’Orsay, Frédéric Mitterrand et Abdellah Taïa en ont exhumé près de 200. Inédite, cette iconographie (en noir et blanc, exclusivement) a une valeur historique certaine même si ce document unique en son genre est le reflet de l’idéologie colonialiste de l’époque. Comme pour prendre leurs distances avec l’objectif photographique, les commentateurs adoptent une posture distanciée et donc critique. Pour autant, ni la subjectivité ni la sensibilité des auteurs ne sont absentes. L’émotion est là, en filigrane.
L’histoire du Maroc est reconstituée au cours des quatre grands chapitres de l’ouvrage.
« Le Maroc du maréchal » retrace les débuts de la colonisation ; « Le protectorat triomphant » évoque l’exil du sultan Mohammed Ben Youssef ; « L’éveil » est consacré au mouvement indépendantiste ; enfin, « Le retour » est celui du futur Mohammed V après ses longues années d’exil.
Au fil des pages alternent paysages de campagne ou urbains, joyaux d’architecture ou travaux de chantier, portraits d’indigènes ou de colons, poses officielles ou scènes de la vie quotidienne, violentes ou idylliques, et dont la succession obéit à une logique chronologique, bien sûr, mais aussi esthétique et narrative.
Sur la terrasse d’une chambre du célèbre hôtel de la Mamounia à Marrakech, une jeune Européenne laisse un rayon de soleil la détourner de son livre pour plonger son regard dans le jardin aux mille palmiers. L’image invite l’oeil à se perdre dans l’horizon, jusqu’à toucher les montagnes de l’Atlas. Cette photo (p. 111) est accompagnée d’une double légende où chacun tente de deviner l’attitude du modèle, de saisir sa pensée en se laissant porter par une imagination tantôt candide, tantôt lutine : « On a retrouvé la soeur inconnue de Marguerite Duras. Elle rêve au soir couchant sur le balcon de la Mamounia au jeune militant nationaliste en fuite pour qui elle a décidé de rompre ses fiançailles avec un capitaine français qui ne sait pas l’embrasser. » [Abdellah Taïa] « Mais elle ne sait pas que le jardinier adolescent qui entretient les séguias et cache son visage sous un chapeau de paille la dévore du regard à la dérobée. Il profitera un jour des visites qu’il fait clandestinement au vieil écrivain anglais de la suite 212 pour s’introduire dans la chambre de la belle et la prendre par surprise. » [Frédéric Mitterrand]
Le 30 mai, à Paris, Les « Mercredis de l’ambassade » accueillent une présentation du livre de Frédéric Mitterrand et Abdellah Taïa. Ambassade du Maroc (dans les salons de la chancellerie), 5, rue Le Tasse, 75116 Paris.
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