Par ici la sortie Mr Wolfowitz !

Convaincu de népotisme, le président de l’institution est désormais rejeté par l’ensemble du personnel, y compris la haute hiérarchie. Et voit ses chances de demeurer en place s’amenuiser de jour en jour.

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

Un mois après la révélation du « Shahagate » (voir J.A. n° 2415), Paul Wolfowitz plie mais ne rompt pas. À la veille du sommet États-Unis/Union européenne du 30 avril, à Washington, ses chances de demeurer à la tête de la Banque mondiale sont minces. Tout au plus tiendra-t-il quelques mois, voire quelques semaines, le temps de lui trouver un successeur et de l’introniser avant ou pendant les prochaines assemblées de la Banque, du FMI et du Comité de développement, les 20 et 21 octobre 2007 à Washington. Tel est le scénario qui permettrait à la Banque de retrouver la sérénité et de se remettre au travail après les houleuses « réunions du printemps » (6-15 avril). Mais un autre scénario se dessine à l’horizon En homme de guerre, Wolfowitz, 63 ans, ne capitulera pas avant d’avoir épuisé ses dernières cartouches. Réprimandé par le conseil d’administration, contraint à présenter des excuses, mis à l’index par le Comité de développement (forum conjoint Banque/FMI de 24 ministres), rejeté par le staff, Wolfie a fini par lancer, le 18 avril, aux principaux dirigeants de la Banque : « Je veux changer.
Aidez-moi par vos conseils » Une voix courageuse, une seule, s’élève dans la salle, celle du directeur général, Graeme Wheeler : « démission ! ». Il ne s’agit plus ici d’un
syndicaliste ou d’un bureaucrate, mais de la haute hiérarchie de la Banque. Et Wheeler n’est plus seul.
Cet ancien haut fonctionnaire néo-zélandais du Trésor est entré à la Banque en 1997, la même année que Shaha Riza, la compagne de Wolfowitz. Directeur financier, il est promu en 2001 vice-président par James Wolfensohn, le prédécesseur de Wolfie. C’est aujourd’hui un homme respecté qui avait fait, jusqu’à présent, low-profile.
L’arrivée de Wolfowitz à la Banque, le 1er juin 2005, et le comportement de ses proches ont provoqué le départ de plusieurs dirigeants, en particulier celui du directeur général, Shengman Zhang (Chine). Croyant bien faire, Wolfowitz nomma Wheeler à sa place par intérim avant de le confirmer (avril 2006). Mais le Néo-Zélandais fera passer l’intérêt de la Banque avant celui de son supérieur, fût-il l’ex-numéro deux du Pentagone.
Wolfie riposte en réduisant ses prérogatives par la nomination d’un deuxième directeur général, en la personne du Salvadorien Juan José Daboub, un fidèle parmi les fidèles des néocons américains. Aujourd’hui, Wheeler est porté aux nues par le staff et la presse internationale, alors que Daboub est sévèrement critiqué pour ses débuts calamiteux dans la gestion opérationnelle de la Banque : en matière de santé maternelle, il a tenté de supprimer les aides au planning familial et à la contraception (suivant en cela les recommandations de l’administration zélote américaine), notamment dans un programme destiné à Madagascar S’agissant de l’action de la Banque dans la lutte contre le réchauffement climatique, il est intervenu pour censurer un rapport du staff, mettant un bémol aux risques encourus, confirmés pourtant par les scientifiques.
D’aucuns y voient désormais une atteinte grave à la crédibilité de la Banque qui s’ajoute aux dégâts causés par l’affaire Riza. « Cet homme est dangereux », disent la plupart des personnes sincèrement intéressées par le sort de la Banque. La première alerte est donnée le 20 avril par le département d’audit indépendant de la Banque (Independent Evaluation Group, IEG), qui évalue le travail de la direction et rend compte directement au conseil d’administration. Ce département, dirigé par un ancien de la maison, Vinod Thomas, prévient que la « Banque est en péril » depuis l’arrivée de Wolfowitz : manque de transparence, népotisme, non-respect des procédures L’IEG s’interroge enfin sur la capacité de la Banque à recruter des cadres compétents et
honnêtes.
Deuxième alerte, et non des moindres, celle lancée, le 23 avril, par 42 anciens hauts responsables de la Banque qui appellent Wolfie à démissionner (lire encadré pp. 34-35).
Parmi eux, Jean-Louis Sarbib, l’ancien patron de Riza. Mais Wolfowitz sait que personne ne peut le « déboulonner », sauf George W. Bush (il n’existe pas de procédure de destitution permettant au conseil d’administration de réclamer le départ du président. Ce dernier est nommé pour un mandat de cinq ans, renouvelable, sur proposition du président des États-Unis). Wolfie compte donc sur les divisions au sein de l’establishment américain et des principaux pays actionnaires. Les Européens savent que le successeur éventuel de Wolfie n’aura qu’un mandat étriqué : un an et demi comme le président américain. Le successeur de Bush, s’il est démocrate, risque de ne pas tolérer un néocon à la tête de la Banque à partir de janvier 2009. La Banque changerait alors à nouveau de président C’est ce risque d’instabilité qui fait hésiter certains et qui joue donc en faveur du maintien de Wolfie.
Ce dernier n’hésite pas à promettre le « changement », quitte à écarter certains de ses proches notamment Kevin Kellems et Robin Cleveland et à s’engager à mettre en oeuvre les décisions du conseil d’administration (sa déclaration du 20 avril). Parallèlement, Wolfie a fait appel à un cabinet d’avocats, celui de Robert Bennett, pour le conseiller.
Bennett s’est rendu célèbre en assurant la défense de l’exprésident américain Bill Clinton lorsqu’il avait été accusé de harcèlement sexuel (affaire Paula Jones, 1998). À peine désigné, Bennett déclare, le 23 avril, au Financial Times que Wolfowtiz « n’a commis aucun délit » et qu’il a agi, concernant le dédommagement de Riza, « avec une éminente bonne foi », confirmant ainsi les conclusions d’un autre cabinet d’avocats,
Gibson, Dunn & Crutcher, recruté lui aussi par Wolfowitz (« Le contrat conclut avec Shaha Riza est raisonnable », lettre du 31 août 2005). Tout cela pourrait convaincre l’administrateur américain, Eli Whitney Debevoise, un avocat de formation sans expérience en matière de développement. Mais ce rabibochage mettra-t-il fin à la rébellion du staff ? Rien n’est moins sûr. « Wolfowitz ne comprend pas du tout pourquoi le personnel est en colère », s’étonne Alison Cave, leader syndicaliste, qui s’apprête à organiser une sorte de référendum au sein de la Banque pour ou contre Wolfie.

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