Mokhtar Latiri

L’ancien grand commis de l’État tunisien est décédé le 21 avril à l’âge de 81 ans.

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Mokhtar Latiri était, avec Lassaad Ben Osman et Abdelaziz Zenaidi, l’un des « trois
mousquetaires » qu’Habib Bourguiba s’était choisis au lendemain de l’indépendance, en 1956, pour mener à bien ses projets en matière d’éducation et de développement. Le 14 avril, Hassen Zargouni, au nom de l’Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge),
avait tenu à rendre un émouvant hommage aux trois hommes. Mais Latiri, déjà alité, manquait à l’appel

Il est peu d’ingénieurs tunisiens qui ne soient redevables à Latiri, soit qu’il ait pris soin de leur formation, soit qu’il leur ait servi d’exemple. Ingénieur en chef des travaux publics, il a dirigé les premiers grands travaux d’aménagement du territoire (aéroports, ports, complexe touristique, centrale électrique). Parfois avec de faibles moyens mais beaucoup d’ingéniosité. La ville de Gabès voulait un port mais se trouvait dans l’incapacité de financer les travaux de génie civil ? Qu’à cela ne tienne, Latiri réquisitionna toutes les charrettes disponibles nombreuses dans cette région rurale afin d’acheminer sur place les matériaux destinés aux remblais et permettre le démarrage des travaux.
Le budget a vite suivi l’« opération charrettes ». Sa plus grande oeuvre reste incontestablement l’École nationale des ingénieurs de Tunisie (Enit) qu’il a fondée et dont il a assumé la direction entre 1968 et 1975. Fort de l’appui de Bourguiba, et son tempérament aidant, il a littéralement forcé l’administration et les ministres à le suivre dans la réalisation de ce qui apparaît aujourd’hui comme l’un des programmes éducatifs les plus audacieux que le pays ait connu. Il crée la « filière A » réservée aux meilleurs bacheliers scientifiques à qui il octroie automatiquement une bourse pour étudier en France, en classe préparatoire aux grandes écoles. Des milliers d’ingénieurs de qualité ont fait leurs classes à l’Enit. Entre 1965 et 2000, quelque 180 Tunisiens ont
été formés à l’École polytechnique (« l’X », Paris). Une fierté pour Latiri qui était, avec Zenaidi, l’un des premiers Tunisiens à obtenir le diplôme d’ingénieur de l’X en 1949, avant Ponts et Chaussées en 1951. Il prouva ainsi qu’on peut être, comme lui, issu
d’un milieu rural et pauvre, et atteindre cependant la réussite.

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On le sait moins : il fut aussi pionnier dans l’introduction de l’informatique en Tunisie au début des années 1980. Après une traversée du désert (pour avoir autorisé la construction d’une mosquée à l’Enit), il a été appelé comme conseiller du président
Zine el-Abidine Ben Ali avant de prendre sa retraite en 2004. Ce grand commis de l’État, qui a courageusement et inlassablement défendu le bien public, reste le modèle même de
l’honnête homme, pieux, humble et simple.

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