Les deux France

Au-delà des chiffres, une certitude, tout sépare Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, les deux candidats qualifiés pour le second tour de la présidentielle, le 6 mai : le style,l’image, le programme et surtout les électeurs.

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

La frénésie des sondages reprend de plus belle, et les experts ressortent leurs calculatrices. Pourcentages, intentions de vote, reports de voix, abstention tous les paramètres sont passés au crible pour deviner l’issue d’un second tour (6 mai) qui, après le choc de 2002 et l’accession de Jean-Marie Le Pen en « finale », renoue avec la tradition de la bonne vieille opposition droite/gauche.
Si la majorité des Français se dit persuadée que Nicolas Sarkozy l’emportera (72 % l’après un sondage TNS Sofres réalisé les 23 et 24 avril), la clé du duel Sarko-Ségo réside en grande partie dans le choix que feront les électeurs du « faiseur de rois » François Bayrou. Le même sondage annonçait d’ailleurs un match des plus serrés : 51 % pour Sarkozy, 49 % pour Royal La campagne est loin d’être finie et le débat télévisé qui les opposera le 2 mai promet des records d’audience.
Au-delà des chiffres, une certitude : tout sépare les deux candidats. Le style, l’image, les projets et surtout les électeurs. Les résultats du premier tour sont assez édifiants et dessinent une France à deux visages, tel Janus. Géographiquement, d’abord. Imaginons une ligne reliant Le Havre à Marseille : Sarkozy obtient ses meilleurs scores à l’est de cette ligne, Royal à l’ouest.
Sociologiquement, ensuite : plus on gagne d’argent, plus on vote « Sarko ». Ainsi, 38 % des patrons ont choisi le leader de l’UMP, contre 15 % pour Ségolène Royal (Bayrou obtient 26 %). Chez les ménages aussi, plus les revenus augmentent, plus le candidat de la droite séduit. Les foyers gagnant plus de 4 000 euros par mois l’ont choisi à 55 %, contre 11 % pour Royal. En revanche, ceux dont les revenus n’excèdent pas 1 200 euros ont choisi la candidate PS (30 %, contre 24 % à Sarkozy). Enfin, à Royal les salariés du public, à Sarkozy ceux du privé.
Démographiquement, toujours la même fracture : Royal l’emporte chez les jeunes (18-24 ans), Sarkozy chez les 50 ans et plus. Enfin, les religions (voir encadré p. 24). Sarkozy gagne chez les catholiques (37 %, contre 20 %), mais Ségo fait un tabac chez les musulmans (64 % contre 1 %). Particularité française : personne n’a songé à poser la question aux juifs
Une France à deux visages, ceux des candidats, mais aux lignes de fractures multiples : jeunes/vieux, Français « de souche »/Français issus de l’immigration, musulmans/chrétiens, pauvres/riches Voilà qui promet bien des soucis à l’élu(e) du 6 mai. Pour l’un comme pour l’autre, il n’est pas sûr que le traditionnel état de grâce dure plus de quelques jours. La bipolarisation extrême constatée au cours de ce scrutin Sarkozy et Royal atteignent, à eux deux, le double des suffrages rassemblés par Jacques Chirac et Lionel Jospin en 2002 laissera une moitié du pays groggy. En attendant, les deux candidats soignent leur style et leur image, aussi différents que leurs électeurs respectifs. Sarkozy, le « père autoritaire » qui prône la rupture et met en avant les valeurs du travail, de l’ordre et de la discipline, contre Royal, la « mère protectrice », plus rassurante, plus conservatrice finalement, et qui parle de changement en douceur. Ces personnalités devront, d’ici au 6 mai, suivre des chemins inverses. « Sarko » doit rassurer les Français, les persuader qu’il n’est pas aussi inquiétant qu’on le dit. « Ségo », elle, devra convaincre sur sa capacité à être un leader solide, déterminé et sachant où il va. Bref, une sorte de clonage politique où l’on prend à l’un ce qui manque à l’autre, et inversement. Vaste programme

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