Ils ont sauté le pas

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 6 minutes.

Mehdi Charfi 30 ans
Investment manager chez Swicorp à Tunis
Réorienter ma carrière
« Chez les Tunisiens de l’étranger, une minorité désire revenir au pays et une minorité de la minorité revient vraiment », constate Mehdi Charfi, qui a été tenté de rester en Europe après ses études. Il « désespérait » de trouver dans sa Tunisie natale des
opportunités qui lui offrent à la fois l’environnement, les collaborateurs compétents, l’envergure internationale et la solidité financière dont il rêvait. Après un stage chez Cap Gemini, il atterrit en octobre 2001 chez Siticom, leader des cabinets de conseil en réseaux et télécommunications en Europe. Puis vient le temps du doute sur les choix d’orientation et le mal du pays. Au bout d’un an de patience, il tombe début 2005 sur l’offre d’emploi de la banque d’affaires Swicorp, spécialisée sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. « Cela correspondait parfaitement à mon double objectif : réorienter
ma carrière dans le domaine de la finance et de l’investissement et avoir une expérience professionnelle en Tunisie. » Après deux tours d’entretiens avec le management de la
Banque qui se déplaçait spécialement à Paris, il est embauché. Et entame les procédures de retour définitif. Mehdi Charfi ne s’interdit pas de se lancer à son compte le moment venu. Car il existe, à l’en croire, des facteurs très favorables au développement du capital investissement dans la région : l’importance des liquidités due au rapatriement massif des capitaux arabes enclenché depuis les attentats du 11 septembre 2001, et aussi les revenus engrangés par les prix élevés du pétrole. En s’occupant au quotidien de la détection des opportunités d’investissement, de l’ingénierie financière, et en participant aux conseils d’administration des entreprises du portefeuille de la banque, Mehdi Charfi développe du même coup ses capacités d’entrepreneur. En attendant de se lancer, un jour peut-être.

Laïssa Mouen 33 ans
Chargée des activités de marché, SCB Cameroun
À l’avant-garde de la finance
Quand elle était en prépa HEC, elle rêvait de travailler chez L’Oréal et envisageait une
carrière dans l’industrie du luxe en France. Mais pendant sa scolarité à l’ESC de Rouen, elle se prend à rêver d’Afrique « parce que je me méfie des itinéraires balisés, tout
tracés ». Aussi parce que la jeune fille, née à Paris, répond à l’appel de ses racines. À cela s’ajoute une « envie de participer au développement de l’Afrique, d’être utile à
mon pays ». Conséquence, après sept mois de stage chez L’Oréal, elle s’en va faire un DESS de développement et coopération internationale à Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Courtisée par des cabinets de recrutement spécialisés sur l’Afrique, elle refuse d’intégrer une banque anglosaxonne installée au Cameroun et un cabinet d’audit international : « J’avais besoin d’évoluer dans un environnement qui me pousse à être créative, entreprenante, polyvalente. À ne pas avoir froid aux yeux. » Elle choisit donc délibérément une entreprise locale, de surcroît toute jeune, First Oil Cameroun, première compagnie de distribution de produits pétroliers à capitaux privés du Cameroun,
créée dans un contexte de libéralisation du secteur. Trois ans plus tard, elle rejoint le Crédit Lyonnais Cameroun, pour un autre challenge d’avant-garde, au sein d’un secteur financier en pleine mutation lui aussi : avec la création du Douala Stock Exchange, la banque (qui se nomme aujourd’hui SCB Cameroun) lui propose de piloter la mise en place d’une unité d’ingénierie financière, d’intermédiation boursière et de gestion du marché de capitaux. Sa trajectoire professionnelle au Cameroun est « une école d’humilité, de persévérance et d’endurance » dans un environnement notoirement compliqué, mais le
champ des possibles est assez large. Quoi qu’il en soit, ajoute-t-elle, « je ne regrette rien, je crois que cela m’a vraiment aguerrie ».

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Philippe Assouan 37 ans
Responsable technique, Continental Beverage Company
Réussir dès le diplôme en poche
Après avoir bouclé son cycle d’ingénieur en génie des systèmes industriels à l’IUP
d’Évry, Philippe Assouan décide de rentrer aussitôt en Côte d’Ivoire. La décision du retour est en partie liée au décès de son père, confie-t-il. Il commence sa carrière dans l’agroindustrie, chez Unilever : « Le label étranger de mon diplôme a pesé sur
le choix de l’entreprise. » Il s’épanouit rapidement au sein du groupe, où il exerce à différents postes de responsabilité pendant huit ans. Puis, nouveau challenge, il se laisse séduire par une jeune entreprise qui lui propose de s’occuper de l’implantation
d’une unité de production pour le lancement d’un nouveau produit sur le marché ivoirien. Il n’hésite pas et accepte l’offre : un « vaste et motivant chantier » qui lui permet de participer et de contribuer à la mise en place d’un produit depuis la construction de l’usine, l’installation des équipements et la réalisation du produit fini. Il est chez Continental Beverage Company, qui met en bouteille l’eau minérale Olgane, depuis 2005 et ne regrette rien. Pour lui, le problème de l’Afrique, ce sont les guerres et conflits armés qui découragent les retours, entravent la formation des cadres et retardent
globalement le développement du continent.

Mohamed Mehdi Khemiri 31 ans
Fondateur et CEO de TopNet, Tunisie
Pour développer Internet dans son pays
Après Polytechnique et l’École nationale supérieure des télécommunications, en France,
Mohamed Mehdi Khemiri traverse la Manche pour travailler dans la filiale londonienne de l’équipementier canadien Nortel Networks. Il y conçoit de nouveaux protocoles pour le partage des bandes passantes à la demande. Quelques mois plus tard, ce fort en thème cède aux sirènes de la Silicon Valley et part pour la Californie. Il y est embauché par une jeune entreprise, 724 Solutions, qui développe des logiciels informatiques. Il y passe un an, à travailler sur des solutions de cryptographie servant à la protection des bases de données d’une banque en ligne. Mais à la suite d’un appel d’offres pour la création de nouveaux fournisseurs d’accès Internet en Tunisie, Mohamed M. Khemiri rentre dans son pays et crée TopNet, dont l’activité démarre en septembre 2001. « Depuis, nous avons réalisé un taux de croissance supérieur à 100 % par an ». TopNet se positionne actuellement comme le leader, aussi bien sur les segments du haut débit que sur celui du bas débit, avec plus de 35 % de parts de marché. L’entreprise emploie aujourd’hui 80 salariés et réalise un chiffre d’affaire de 6,5 millions de dinars (3,8 millions d’euros). Mohamed M. Khemiri avoue que son retour a été facilité par un environnement
tunisien très favorable à la création d’entreprise : les banquiers, les experts-comptables, les structures d’accompagnement et l’Agence tunisienne d’Internet ont activement contribué à la mise en place et au développement de TopNet. Pour l’avenir, il mise sur l’important potentiel de croissance du marché tunisien des TIC, et n’exclut pas d’exporter le savoir-faire du pays vers les voisins africains et arabes.

Fara Sakho 32 ans
Chef de division ressources humaines, Sonatel Mobiles
« En France, on m’a pris pour le secrétaire ! »
Après des études en ressources humaines à l’université de Nancy, Fara Sakho intègre en
2001 une multinationale spécialisée dans la gestion de la relation client comme responsable du recrutement. Responsabilité qui l’amène deux ans plus tard à une promotion interne. Le voilà rattaché au directeur général de l’entreprise, en charge de la gestion prévisionnelle des effectifs et de l’emploi. Occuper un tel poste « dans le bureau adjacent à celui du grand manitou avec un rôle de conseil », quelle fierté ! Fara Sakho déchantera rapidement : « Un jour, un des hauts cadres d’une filiale entre pour la première fois dans mon bureau et me demande depuis quand j’avais été recruté au poste de secrétaire ! » Fara Sakho décroche aussitôt son téléphone pour appeler Meissa Ngom, PDG du Groupe Chaka à Dakar, à propos de qui il vient de lire un article où il mentionnait un passage en Europe avant d’abandonner position sociale et professionnelle confortable pour tenter l’aventure du « retour au bercail ». Quatre mois plus tard, Fara
Sakho intègre les équipes de Chaka. Depuis août 2004, il est responsable des ressources humaines d’Orange au Sénégal (nouvelle dénomination de Sonatel Mobiles). La recherche des
« meilleures ressources africaines disponibles sur le marché international » fait partie de ses activités. Pour convaincre les éventuelles recrues de rentrer au Sénégal, son propre parcours professionnel est l’un de ses arguments favoris. Avec le cadre de vie et la possibilité d’être embauché très tôt à des postes à responsabilité : « Ce sont des points à forte valeur ajoutée qui permettent aux cerveaux africains de sauter le pas plus facilement. »

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