Délit d’origine

En 2006, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a reçupresque trois fois plus de réclamations qu’en 2005.

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

Dalila B. est française et musulmane. Un beau jour de 2006, elle se voit refuser l’accès à l’hôtel où elle a pourtant réservé une chambre. Motif avancé par la direction : le
voile que porte la jeune femme nuit à l’image de l’établissement. Jean-Pierre Y., hindou, demande au maire de sa commune que la cantine de l’école fréquentée par ses deux enfants serve un repas adapté à leur confession. Les élèves musulmans, eux, y ont bien
droit. Réponse négative de l’élu municipal.
Publié le 11 avril, le rapport annuel de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) enchaîne les exemples de ces discriminations au
quotidien en contradiction totale avec le sacro-saint principe républicain d’égalité qui fait la fierté de la France
Quand les attitudes de rejet, dans certains cas inconscientes, dans d’autres volontaires, ne sont pas fonction de l’origine ou de la conviction religieuse, elles sont
« fondées » sur des critères tels que le sexe, l’âge, le handicap, la situation de famille Au total, seize critères sont énumérés dans le rapport.
Lorsque, en juin 2005, le président Jacques Chirac entérine la création de la Halde et lui donne pour mission « d’accompagner et de conseiller la victime d’une discrimination
afin de lui permettre d’obtenir réparation », nombreux sont ceux qui croient assister à
la naissance d’un énième « machin » destiné à soulager les consciences à bon compte et à nourrir la cote présidentielle. Deux ans plus tard, l’institution se révèle plus utile que prévu.
En 2006, elle a reçu 4 058 réclamations, contre 1 410 en 2005, soit presque trois fois plus. À grand renfort de campagnes de communication et grâce au bouche à oreille, la Halde a accru sa notoriété et, de fait, encouragé les victimes à porter plainte. Les
discriminations ne sont pas plus nombreuses, elles sont seulement moins taboues. En revanche, ce qui ne change pas, ce sont les motifs : l’origine demeure le critère le plus invoqué (35 % des réclamations en 2006), et l’emploi le domaine où les discriminations sont les plus fréquentes (43 %). La santé (18,6 %) et l’âge (6,2 %) restent les deuxième et troisième critères ; les services publics et les « biens et services privés » les deuxième et troisième domaines de discrimination.
Si elle peut saisir le parquet, la Halde n’a eu que rarement recours à la justice : sur 2 143 dossiers effectivement traités, 10 % ont fait l’objet d’un règlement amiable entre les parties et 7 % de recommandations ; seuls 2 % se sont soldés par une saisine du parquet. L’institution a surtout une fonction dissuasive et incite les deux parties à la négociation.
Également chargée de « débusquer les pratiques discriminatoires », la Halde a mené plusieurs tests auprès de grandes entreprises au moyen, notamment, de curriculum vitae anonymes et d’agences immobilières. L’un d’entre eux met en scène quinze « cobayes » en
quête de logement. Ces derniers se répartissent en quatre catégories : originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, chef d’une famille monoparentale et un candidat dit « de référence ». Tous disposent des mêmes ressources, sont français et ont signé un contrat à durée indéterminée. Résultat des courses : le candidat « monoparental » a trois fois moins de chances et les candidats d’origine subsaharienne ou maghrébine neuf fois moins de chances que le candidat « neutre » d’obtenir l’appartement demandé. La Halde a encore de « beaux » jours devant elle.

Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) :
11, rue Saint-Georges, 75009 Paris
Tél. : 08 10 00 50 00.

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