Caduque, la langue du Coran ?

La langue arabe du Livre sacré est figée depuis des siècles. Il faut donc l’adapter au monde actuel. Tel est le postulat de Chérif Choubachy.

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

« Imaginons un Français qui entre dans une épicerie et s’adresse au vendeur dans la
langue de la Sorbonne ou du journal Le Monde. [] Le vendeur se dira simplement qu’il a affaire à un client cultivé. En revanche, un Égyptien, un Yéménite ou un Marocain qui, dans son pays, s’adresserait à un épicier en arabe classique serait la risée des autres clients, et il y a fort à parier que le marchand n’y comprendrait goutte. »
Dans Le Sabre et la Virgule, le journaliste égyptien Chérif Choubachy qui a dirigé le bureau parisien du groupe de presse Al-Ahram utilise cette comparaison pour illustrer
le décalage entre la langue arabe officielle, celle du Coran et des hadiths du Prophète,
et celle que l’on parle aujourd’hui dans la rue ou à la maison. « Celles » plutôt, puisque de Damas à Casablanca en passant par Le Caire et Tunis, ce sont autant de dialectes souvent très éloignés les uns des autres qui sont utilisés dans chacun des pays
de l’aire arabophone.
Les Arabes, rappelle l’auteur, sont seulement une petite minorité à parler leur langue ; et encore, ceux qui s’y essaient peinent à la maîtriser. La raison est simple : l’arabe est la seule langue au monde dont les règles fondamentales n’ont pas changé depuis
quinze siècles. Certes, elle a permis à ses locuteurs d’atteindre des sommets dans le développement des sciences et la création artistique. Mais, faute d’avoir évolué, elle s’est transformée en « une sorte de geôle où le génie arabe, soumis et cloîtré, dépérit entre ses cloisons ».
L’auteur donne de nombreux exemples de la complexité de l’arabe. Dans cette langue, par exemple, la phrase débute par le verbe. En conséquence, le sens des mots ne résulte pas de leur agencement mais de leur vocalisation. Autre difficulté majeure, le déséquilibre entre le petit nombre de voyelles (trois) et la pléthore de consonnes (vingt-cinq). De façon générale, tout ce qui fait la richesse et la beauté de cette langue constitue des
handicaps dans le monde d’aujourd’hui. Ainsi le même mot peut-il revêtir plus de dix significations différentes selon la façon dont il est prononcé. D’où la possibilité de nombreuses confusions.
Pour avoir prôné une profonde réforme linguistique, Chérif Choubachy s’est attiré les foudres des islamistes. S’ils n’ont pu obtenir l’interdiction de son livre à sa sortie au Caire en 2004, au moins ont-ils eu raison de ses fonctions gouvernementales. Choubachy a abandonné en 2006 le poste de vice-ministre de la Culture qu’il occupait depuis 2002. Cela ne l’empêche pas de continuer à défendre ses idées avec courage et détermination. S’il n’est pas sérieusement réformé, l’arabe, affirme-t-il, rejoindra le cimetière des langues mortes où reposent de brillants idiomes comme le latin supplantés par des langues mieux adaptées à leur temps.

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