Baraka tunisienne

Grâce à la découverte de nouveaux gisements et à l’augmentation de sa production d’or noir, Tunis devrait combler le déficit de sa balance énergétique en 2007.

Publié le 30 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

Après une période de vaches maigres entre 2000 et 2006 dans le sillage d’un déclin de plus de deux décennies, la production pétrolière tunisienne devrait repartir à la hausse. Découvertes en cours de développement exclues, les prévisions du ministère de l’Énergie tablent, pour la trentaine de gisements en service, sur une production totale de 4 millions de tonnes en 2007 (+ 600 000 tonnes par rapport à 2006). Ce n’est pas le niveau atteint au début des années 1980 presque 6 millions de tonnes , quand la Tunisie couvrait ses besoins en énergie, mais c’est suffisant pour combler le déficit de la balance énergétique en 2007.
Depuis 1992, le pays est en effet importateur net d’un complément de brut venant essentiellement de Libye et de produits raffinés achetés en Europe (Italie, Espagne, Russie et France). Désormais, les ressources nationales d’énergie primaire pourraient couvrir la demande, estimée à environ 7,5 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), avec 4 millions de tonnes de pétrole et 4 millions de tep provenant des ressources de gaz, qui se substituent de plus en plus au pétrole, en déclin. Ces ressources proviennent essentiellement du champ de Miskar (1,9 million de tep par an), de petits gisements dans le Sud (0,5 million de tep par an) et de la redevance gaz perçue en nature (1,275 million de tep par an) au titre du passage en Tunisie du gazoduc algéro-italien Transmed. Le déficit habituel de 0,5 million de tep en moyenne par an pourrait donc être entièrement couvert par la production énergétique intérieure grâce au 0,6 million de tep supplémentaires attendu en 2007. Quand on sait que le déficit net en 2006 était de l’ordre de 840 millions de dinars (1 dinar = 0,60 euro), on mesure le gain pour l’économie. C’est là une bonne nouvelle qui porte des noms évocateurs de gisements en production ou en cours de développement comme Adam, Hawa (Eve), Dalia (Vigne), Jenein Jardin), Warda (Rose), Nawara (Fleur), Nakhil (Palmier), Oudna et Didon.
Le nouveau gisement dont on parle le plus à Tunis est celui d’Oudna, dans le golfe de Hammamet. Il a été découvert en 1978, mais n’a pu être développé pour des raisons économiques, avant d’être racheté par le suédois Lundin Petroleum en 2003, qui en a fait le plus grand gisement pétrolier offshore du pays. Le 21 février, Lundin a annoncé que la production est allée « bien au-delà de 20 000 barils par jour (b/j) ». Les premières prévisions tablaient sur 15 000 b/j lors du démarrage de la production, en novembre 2006. Lundin est associé dans ce permis, dont les réserves sont estimées à plus de 11,5 millions de barils, à Atlantis Holding Norway, filiale de la compagnie chinoise Sinochem (50/50).
L’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (l’Etap, société nationale) a exercé, en mars, son droit d’option pour l’acquisition de 10 % de chacun des deux partenaires, soit 20 % au total, moyennant le remboursement de sa quote-part dans les investissements et coûts opératoires engagés estimés à 95 millions d’euros au total.
La deuxième bonne nouvelle est relative à Didon, un gisement offshore dans le golfe de Gabès, qui a fourni 7 % de la production pétrolière tunisienne en 2006, et qui a même dépassé en avril le niveau de production d’Oudna. Sans compter le puits Didon-6, dont le potentiel de production est estimé à 10 000 b/j une fois terminé le complément de forage en cours.
Tous ces développements ne constituent néanmoins qu’un répit pour l’économie tunisienne. Selon les experts du ministère de l’Énergie, les besoins du pays sont estimés à 9 millions de tep à l’horizon 2010 et à 18 millions de tep à l’horizon 2020. Mais l’espoir est grand de voir de nouveaux petits puits entrer en production d’ici là. En 2006, on a compté pas moins de 16 forages, consécutifs à des découvertes, mais dont la rentabilité économique n’est pas encore connue pour la plupart. Pourtant, de grands espoirs sont permis. Avec notamment les gisements onshore Adam et Nakhil, dans le Sahara tunisien, sur le permis Borj el-Khadra, dont l’opérateur est le groupe italien ENI-Agip (en partenariat avec l’Etap, Pioneer Natural Resources et Talisman). Fin janvier, ENI a annoncé que les tests de forages effectués sur le puits Karma-1 ont été couronnés de succès avec une production initiale de 4 000 b/j et ont révélé « un grand potentiel » sur le gisement Adam. En parallèle, les tests sur le puits Nakhil-1 (en partenariat avec Pioneer et Talisman) permettent une production initiale de 1 200 b/j. Ces nouveaux développements renforcent le potentiel du gisement Adam-Hawa-Dalia, entré en production en 2005 avec un débit initial de 15 000 b/j.
Toujours dans le Sud, sur le permis Jenein Sud, opéré à 50-50 par l’autrichien OMV et l’Etap, le test de production sur le puits Warda-1 a révélé un potentiel de 1 500 b/j de pétrole et 1 625 barils-équivalent pétrole par jour (bep/j) de gaz. À Nawara-1, les tests ont abouti à une production de 6 000 b/j et 1,7 million de m3 de gaz par jour. OMV est en train d’exécuter un programme d’investissement de l’ordre de 200 millions de dinars pour de nouveaux forages cette année.
Dans le Nord-Est, les plus grands espoirs se situent encore dans le golfe de Hammamet, non loin du gisement opérationnel d’Oudna. On parle de la réactivation et du développement du gisement de Tazerka, qui produisait 21 000 b/j avant sa fermeture, quand le prix du baril ne justifiait pas son exploitation. Depuis février, ENI et le gouvernement discutent d’un programme d’investissement de 300 millions de dinars pour la période allant jusqu’à 2010. Ce programme prévoit notamment le développement des champs Maamoura et Baraka, dans le golfe de Hammamet.
En 2009, on devrait assister au démarrage de l’exploitation du champ gazier offshore de Hasdrubal, dans le golfe de Gabès, que British Gas (BG) et l’Etap comptent développer avec un investissement de plus de 1 milliard de dollars. Hasdrubal, dont les réserves sont estimées par BG à 78 millions de bep, est mitoyen du gisement de Miskar. La durée de vie de Miskar, dont BG est aussi l’opérateur, est prolongée de une année jusqu’à 2013.
Et le sous-sol tunisien ne semble pas encore avoir livré tous ses secrets. D’après l’US Geological Survey, les réserves restant à découvrir en Tunisie sont estimées à 600 millions de tep (dont 350 millions de tonnes de pétrole et 250 millions de tep en gaz). Et grâce à une politique incitative en matière de recherche-exploration, le domaine minier est actuellement couvert à 84 % par 52 permis de recherche. Selon les experts du ministère de l’Énergie, les engagements actuels permettraient de réaliser au total entre 50 et 60 forages d’exploration au cours des cinq prochaines années. Cela fait en moyenne 11 puits par an, contre 8 forages par an au cours des cinq dernières années.
Comparée à ses voisins libyen et algérien, la Tunisie demeure un « nain » pétrolier. Mais une chose est sûre, elle a la baraka : depuis plus de vingt ans, à chaque fois que certains permis déclinent, de nouveaux gisements sont mis au jour.

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