Jean-Paul Montagner(*) : « Il faut que les pouvoirs publics imposent certaines règles »

Publié le 2 mars 2004 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique/l’intelligent : Comment expliquer le tremblement de terre d’Al-Hoceima ?
Jean-Paul Montagner : C’est exactement le même phénomène qui a déclenché le tremblement de terre de Baume-les-Dames, en France, la veille. Il s’agit d’une collision entre les plaques tectoniques eurasienne et africaine qui produit un ensemble de phénomènes géologiques. À très grande échelle, elle crée des chaînes de montagnes comme les Alpes ou l’Atlas algérien. À plus petite échelle, ce sont des séismes. Dans le cas d’Al-Hoceima, on a assisté à un double phénomène : celui du décrochement (une plaque glisse latéralement contre l’autre) et celui du chevauchement (une plaque monte sur l’autre). C’est le type de tremblement de terre le plus complexe qu’on puisse avoir.
J.A.I. : Y a-t-il un lien entre Baume-les-Dames et Al-Hoceima ?
J.P.M. : Non. D’autant qu’on recense environ mille séismes de magnitude 5 par an dans le monde, alors que l’intensité de celui du Maroc est beaucoup plus rare.
J.A.I. : Pas de lien non plus avec Boumerdès, en mai 2003 ?
J.P.M. : Le système de failles est le même en Algérie et au Maroc. Mais il n’y a pas de lien de cause à effet.
J.A.I. : Pourquoi les tremblements de terre sont-ils plus meurtriers dans les pays en développement ?
J.P.M. : Essentiellement à cause de la nature des constructions et de la densité de population. Ce qui entraîne aussi un grand nombre de victimes, ce sont les suites du séisme : incendies, problèmes d’approvisionnement, maladies… Aujourd’hui, on a quand même fait beaucoup de progrès sur les interventions, grâce à l’amélioration des moyens de communication.
J.A.I. : Les séismes sont plus rares en Tunisie…
J.P.M. : C’est une toute petite partie de la Tunisie, au Nord, qui connaît des activités sismiques. Le Maroc et la Tunisie sont moins touchés que l’Algérie tout simplement parce que cette dernière possède un territoire situé à la frontière entre les deux plaques beaucoup plus vaste que les autres.
J.A.I. : Peut-on savoir si la région connaîtra prochainement d’autres séismes de cette ampleur ?
J.P.M. : Le mouvement de migration des tremblements de terre d’une région à une autre est chaotique. Il est quasi impossible de savoir s’ils vont dans un sens ou dans un autre. Le fait que le dernier ait eu lieu à Al-Hoceima n’est ni plus ni moins surprenant que si la terre s’était cassée en Tunisie. Et même si un jour on arrive à les prévoir, nous ne pourrions pas les empêcher. Donc, essayons de faire en sorte que les effets des séismes soient réduits au minimum. Quelle que soit notre faculté à prédire, demandons surtout aux pouvoirs publics d’imposer certaines règles basiques qui peuvent sauver des centaines de vies. On a constaté, notamment au Japon, que dès qu’on les appliquait, on diminuait énormément le nombre de victimes.

* Professeur de géophysique au département de sismologie de l’Institut de physique du globe de Paris.

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